"Le pyjama présidentiel" de Lucien Boyer

par LePoint

Le 23 mai 1920, vers 21 h 20, le président de la République Paul Deschanel embarque à bord du train présidentiel à la gare de Lyon pour se rendre à Montbrison. Il y est attendu pour assister à l'inauguration d'un monument. Vers 21 h 45, il quitte la voiture-salon pour la minuscule chambre mise à sa disposition. Malgré la chaleur étouffante, il demande à son valet de laisser les deux fenêtres à guillotine fermées. Il se sent, en effet, grippé. Il avale un cachet pour dormir, puis donne la consigne d'attendre 7 heures du matin pour le réveiller.Une heure plus tard, Deschanel est réveillé par une chaleur devenue suffocante. Il décide d'ouvrir une des deux fenêtres à guillotine. Dans le coaltar, il commence par baisser la partie inférieure. Une particularité de ces deux fenêtres est de s'ouvrir également vers le bas pour permettre au président de se pencher hors de la voiture de façon à pouvoir serrer la main aux personnes venues l'attendre dans les gares sans avoir à descendre du train. Le président s'acharne à relever la partie supérieure de la fenêtre. Comme celle-ci résiste, il tire, pousse... et la fenêtre se relève brutalement. Privé de point d'appui, le président bascule dans le vide. Par chance, le train roule lentement et le ballast est recouvert d'un gazon qui amortit sa chute. Sonné, Deschanel se relève en titubant et se met en direction d'une lumière lointaine tandis que le train disparaît.« Je suis monsieur Deschanel ! »Au même moment, le cheminot André Radeau marche le long de la voie, revenant d'un chantier qu'il surveillait. Il aperçoit l'homme marchant d'un pas hésitant. Il s'approche, interloqué. « Il avait la face ensanglantée, était vêtu simplement d'un pyjama gris blanc, les pieds nus dans ses pantoufles. » Le prenant pour un ivrogne, le cheminot s'écrie : « Qui va là ? » L'inconnu lui répond : « Je suis blessé, je suis monsieur Deschanel ! » Bien entendu, Radeau pense qu'on se fiche de sa gueule. Le président ? Et pourquoi pas un extraterrestre tombé d'une soucoupe volante ? Le voyant blessé au visage, Radeau le conduit à la maison du garde-barrière Dariot pour le soigner. Radeau s'adresse à son collègue : « Ce dit blessé dit être monsieur Deschanel ! » Tout le monde est persuadé qu'il délire. Madame Dariot se met à nettoyer les blessures de Deschanel pendant que Radeau file prévenir la gendarmerie de Corbeille. Au passage, il passe chez le docteur Guillaumot pour qu'il vienne examiner le blessé. Il fait également prévenir la gare de Montargis qu'« un homme se disant monsieur Deschanel est tombé du train présidentiel ». Le message ne sera transmis au sous-préfet que vers 5 heures du matin.Pendant ce temps, Gustave Dariot et sa femme ont couché le président dans leur lit, où il s'endort comme un bébé. Le docteur Guillaumot, qui finit par arriver vers 1 heure du matin, confirme, à la stupéfaction de tous, qu'il s'agit bel et bien du président Deschanel. Le lendemain matin, le sous-préfet de Montargis arrive à la maisonnette

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