Judith Bingham : Et c'est la nuit (création mondiale)
par francemusique
Sofi Jeannin dirige la Maîtrise de Radio France et l'ensemble Links dans "Et c'est la nuit", création mondiale de l'oeuvre de Judith Bingham.La lune est rougeBarcarolleEternité« Spectrale, comme les Wilis dans Giselle », précise Judith Bingham. Si La Bonne chanson de Verlaine fait luire la lune blanche dans les bois, c’est la lune rouge des Poèmes saturniens qui brille dans la nuit de la compositrice britannique. Héritière de Benjamin Britten et de Gustav Holst, Judith Bingham entretient la grande tradition chorale anglaise. « En Angleterre, si vous voulez être compositeur à plein temps, vous devez composer pour chœur, et surtout pour les maîtrises qui passent beaucoup de commandes, expliquet-elle dans un entretien avec Christophe Dilys. Ce qui est intéressant en réalité, c’est de composer pour les maîtrises d’autres pays : États-Unis, France, Scandinavie, Australie, etc. Chaque pays a sa spécificité. Les Anglais sont dans le registre mezzo-soprano et baryton, alors qu’en France les femmes sont plus soprano que mezzo, tout comme les Italiens sont ténors et les Russes basses.Ces différences de timbre donnent toute la couleur aux chœurs, et il est très intéressant de composer en fonction de ces paramètres. Entendre un chœur étranger chanter une de mes pièces composées pour un chœur anglais est tout à fait passionnant : les voyelles colorent la musique différemment, et l’émotion s’en trouve changée. Pour cette pièce, les vers de Verlaine et de Lamartine servent de guide dans la couleur typiquement française des voyelles. »nvitée par Sofi Jeannin à composer une partition nocturne pour la Maîtrise, Judith Bingham a donc retenu deux textes d’auteurs différents : L’Heure du berger de Verlaine et Le Lac de Lamartine. « En prenant les deux, j’ai pu créer un mélodrame centré sur ce moment intense que l’on peut vivre avec une personne que l’on aime, ce moment que nous voulons faire durer à jamais. » À trois voix, la pièce évoque le madrigal, joue la carte du figuralisme quand elle imite le brouillard par ses chromatismes, puis rythmiquement s’anime, en ternaire évoque la danse sur de virevoltantes vocalises, ou referment les corolles sur des mouvements contraires. La nuit est alors affaire de temps, de la danse à la barcarolle, de la barcarolle à la suspension du vol. Serait-ce les néants ou l’éternité qui sont percés de silences, trous béants comme autant de jours engloutis dans la dernière mélodie ? Et les bouches fermées, fil conducteur, de terminer le cycle dans une harmonie figée.
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