Bande-annonce du film "Petit Paysan"

par lepointabonnes

À 32 ans, Hubert Charuel, fils et petit-fils d'agriculteur, signe "Petit Paysan", thriller psychologique ultra-réaliste sur le monde agricole. Par Victoria Gairin «  Si ça arrive jusqu'à nous, je me suicide.  » C'était le début des années 1990. À la télévision, les reportages sur les premières victimes de la vache folle et les images déchirantes d'éleveurs amputés de leurs troupeaux. Dans le village de Droyes, en Champagne, dont est originaire le jeune réalisateur Hubert Charuel, on ne parle plus que de ça. Au moindre doute, on appelle le vétérinaire en priant pour qu'il ne prononce pas le nom qui est sur toutes les lèvres : Creutzfeldt-Jakob. L'enfant a 10 ans et n'oubliera jamais la terrible phrase de sa mère, qu'elle-même s'étonne d'avoir pu prononcer. Qu'auraient-ils fait si une de leurs vaches avait présenté les symptômes de la maladie  ? De cette question – et de l'inavouable réponse – Hubert Charuel a tiré Petit Paysan, l'histoire de Pierre, trentenaire, qui reprend l'exploitation familiale. Aussi cathartique qu'émouvant. «  La vie de Pierre est évidemment celle que j'aurais dû avoir si je n'avais pas décidé de faire du cinéma  », confie Hubert Charuel. Fils unique de paysans, eux-mêmes enfants de paysans, Hubert rêvait, gamin, de devenir vétérinaire. Mais ses résultats scolaires ne sont pas satisfaisants. «  Alors, j'ai annoncé à mes parents que je voulais faire du cinéma.  » Enfant, il passait des heures devant la télé en attendant qu'ils aient fini la traite. Et puis, il y avait la sortie hebdomadaire à Saint-Dizier. «  Toutes les semaines, on se faisait le traditionnel ciné-McDo. Pendant quatre heures, miracle, on ne parlait pas de vaches  !  » C'est comme ça qu'Hubert découvre Tarantino, Scorsese, Cameron... et les films des Bacri-Jaoui. On le décourage de tenter la Femis – «  trop difficile de décrocher le concours  » –, mais ses parents insistent. Il est reçu du premier coup, section production. Et, six ans après son diplôme, voilà que son «  Petit paysan  » séduit la Semaine de la critique, à Cannes. Paranoïa Le film a beau avoir été tourné chez (et avec) les Charuel – père, mère, grand-père et amis du réalisateur jouent des petits rôles –, jamais il ne vire au documentaire. Le récit, volontiers onirique, suit les codes du thriller psychologique. Et l'on est embarqué dans les angoisses du jeune fermier, écrasé par le poids du quotidien, le déni et la paranoïa. Ses influences  ? Charuel sourit quand on évoque la rareté des films sur le monde agricole. «  Lorsque je dis que je suis fils de paysans, les gens me demandent systématiquement si j'ai vu les films de Raymond Depardon. J'aime beaucoup son travail, mais il faut arrêter d'imaginer les fermiers comme des petits vieux avec le dentier, la toile cirée et la boîte en fer qu'on vous tend avec trois biscuits mous  ! Je veux sortir les paysans du cliché des vieux mutiques qui sirotent leur soupe dans leur cuisine en Formica. Aujourd'hui, on est quand même plus proches de l'image véhiculée par L'amour est dans le pré. Les agriculteurs sont connectés, modernes, parfois chefs d'entreprise, et cherchent l'amour comme tout le monde. Internet a été une bénédiction pour eux.  » Car l'histoire de Pierre est aussi celle d'un monde en mutation. De vieilles salles de traite, bétonnées et manuelles, dans des exploitations à taille humaine où chaque vache a son petit nom, bientôt il n'en existera plus. Aujourd'hui, elles sont carrelées, entièrement automatisées, et les bêtes ne sont parfois plus que des numéros connectés à des robots. Pourtant, Charuel se veut plus optimiste qu'il y a quelques années. «  Il se passe quelque chose dans la société. La volonté de consommer autrement n'impacte plus seulement le consommateur, mais aussi le producteur. Le rapport de l'homme à l'animal évolue aussi dans le bon sens.  » Au début, le jeune réalisateur avait un peu honte de confier qu'il était fils de paysan. «  J'étais à la fois fier de mes racines et soucieux du regard des autres.  » Désormais, lorsqu'il raconte ses souvenirs, ses amis lui demandent s'ils peuvent venir passer quelques jours à la ferme. «  Le syndrome du bouseux, c'est terminé.  » https://is.gd/fwmpr0

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