Pas abusée sexuellement pourtant symptômes

Béatrice Beauverd - Je n'ai pas été abusée sexuellement, pourtant j'en ai tous les symptômes, avez-vous une explication ? Votre question peut paraître surprenante, mais vous avez raison de la poser. Vous connaissez les symptômes de l'abus sexuel, je me permets cependant de les rappeler. Evidemment, il y a des nuances qui dépendent notamment du degré de développement de la personnalité et du milieu éducatif. On peut dire qu'un abus sexuel, c'est une activation d'une capacité émotionnelle qui est réservée à l'âge adulte, à l'âge où normalement les conséquences d'un acte sexuel, donc la naissance d'un enfant, peuvent être assumées autant psychiquement que physiquement. On oublie souvent, depuis l'arrivée dans nos pharmacies de la pilule, que l'acte sexuel n'est pas seulement un lieu de plaisir pour le couple, ou du moins devrait l'être, mais qu'il peut aboutir à la conception d'un être humain. On sait bien sûr que la sexualité est une composante capitale de la personnalité, liée à l'identité, à la vie même. Lors de l'activation par un adulte de la sexualité chez un petit enfant, sa croissance au niveau affectif, c'est-à-dire ses capacités à gérer des relations humaines harmonieuses, s'arrêtent. En effet, son psychisme l'a alerté : Il se passe quelque chose d'anormal. Une violente crainte s'empare alors de l'enfant. Cette crainte, cette angoisse, sur laquelle il ne peut mettre de mots, lui montre inconsciemment qu'il ne peut plus faire confiance à l'adulte. Ce message reçu va le conduire plus tard à considérer ses capacités sexuelles au moins de 2 façons possibles : 1. soit il perçoit le sexe comme un moyen d'expression et de jouissance voire de vengeance et il va rechercher à le pratiquer à toutes occasions, 2. soit au contraire, cela va le conduire à fuir toutes les relations avec autrui et pas seulement au niveau sexuel. Il va s'enfermer sur lui-même, la honte et la culpabilité chevillée au corps, ne sachant plus différencier le juste du faux, le bon du mauvais. Ce sont les extrêmes qui se manifestent, quelques fois d'une manière ambivalente, c'est à dire tantôt l'une, tantôt l'autre. Ces symptômes sont liés à un abus sexuel. Mais pour cela, il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu attouchement, ou même contact physique. Si par exemple, l'abus a été perpétré à votre naissance, oui, ça arrive... ou très tôt, dans votre petite enfance, il se peut que vous ne vous en souveniez pas. Par ailleurs, dans certaines familles où il règne un climat de complicité malsaine, il arrive qu'un des parents transgresse, face à son enfant, la différence des générations et l'emprisonne dans une relation analogue à l'inceste. Comment ? La simple évocation de la sexualité des adultes en présence des enfants, par exemple, les plaisanteries, les moqueries, peuvent avoir le même effet. Un climat fortement érotisé crée un excès d'excitations et éveille prématurément l'enfant à toutes sortes de sensations. Toutes ces choses sont alors vécues comme des violences, des abus psychiques qui auront les mêmes conséquences qu'un abus physique. On parlera alors d' incestualité , une expression qui nous vient de Paul Recamier. Il est donc effectivement possible de développer tous les symptômes d'une personne abusée sexuellement sans en avoir pourtant le souvenir, ni même l'avoir vécu physiquement. Alors comment vraiment le savoir ? Il faut généralement accepter un travail sur soi-même en profondeur, autant au niveau de l'âme, c'est-à-dire au niveau du psychisme, qu'au niveau de l'esprit, je parle ici du domaine spirituel, pour vraiment découvrir ce qui s'est passé réellement. Il est également important de noter que suite à une violence, à un abus ou à une négligence, notre psychisme, notre âme, se brise et des parties sont créées qui elles, vont porter les souffrances liées à l'abus ou la violence. Leur rôle sera premièrement de porter ces souffrances, mais aussi d'en éviter de nouvelles. Ces parties brisées de votre âme ou de votre psychisme peuvent fort bien rester au niveau de l'inconscient et même inhiber les souvenirs liés à ce qui s'est passé, voire même tous vos souvenirs d'enfance, pour que vous n'en souffriez pas. Ces comportements développés suite à un abus jouent encore d'autres rôles, mais surtout, ils permettent de survivre à ce qui aurait pu vous plonger dans un désespoir chronique. Ces parties brisées auront, elles aussi, besoin de soins. Elles protègent, mais de ce fait même peuvent devenir des entraves à un processus de croissance. Un travail sur vous-même va vous permettre d'accéder à une pleine liberté d'expression et de relations. Je ne peux que vous y encourager.