On m'a fait du mal et je devrais pardonner ?!
par CmavieTV
Jacques Buchhold - On m'a fait du mal et on me dit que je devrais pardonner. Mais n'est-ce pas inhumain et injuste ? Permettez-moi de dire les choses clairement, de manière un peu brutale : cette question suppose une conception du pardon qui me paraît erronée. Qui s'oppose, en tout cas, à ce que je comprends du pardon. On vous a fait du mal. Je pense à une amie : elle venait d'avoir un troisième enfant et son mari lui apprend qu'il la quitte pour vivre avec une autre femme. Ou à cette jeune-femme qui a vu mourir son compagnon à côté d'elle, dans un accident de voiture provoqué par un ivrogne. Pardonner, ce n'est pas faire comme si ces drames n'étaient pas arrivés. Pardonner, ce n'est pas accepter de subir l'offense en se taisant ! Réfléchissons quelques instants à ce qu'est l'offense d'un point de vue chrétien. L'offense, bien sûr, c'est d'abord une blessure. Une blessure qui fait mal. C'est cette blessure qui nous signale que quelque chose d'anormal a eu lieu. Dans les cas que j'ai mentionnés, l'offense est évidente et la blessure immédiate. Dans les couples ou entre amis, l'offense peut être sournoise. Couper la parole à son épouse au cours d'une conversation, cela peut arriver à tout mari et il n'y a là aucun mal ; mais le faire systématiquement témoigne d'une attitude dominatrice et irrespectueuse de l'autre, et un jour la blessure se fait sentir. Bien des offenses se présentent sous cette forme. Pensez, par exemple, au chantage affectif que l'on exerce envers ses enfants ou au harcèlement moral dont se plaignent nombre d'employés. La réaction à la blessure, c'est l'amertume, la colère, la haine. Mais l'offense n'est pas qu'une blessure. C'est aussi une sorte de dette. Dans la prière suivante que beaucoup connaissent, c'est ce mot que Jésus utilise : " Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ". Si on devait traduire cette demande littéralement, on dirait : " Remets-nous nos dettes comme nous aussi, nous remettons à ceux qui ont des dettes envers nous. " L'offense n'est pas seulement un ressenti, une blessure, c'est aussi une réalité objective, une dette, qui se loge entre l'offenseur et l'offensé. Un cambriolage est une blessure parce qu'il vous donne le sentiment de ne plus être chez vous là où vous habitez ; mais c'est aussi une dette, un fait qui s'inscrit entre vous et vos cambrioleurs. La Bible appelle cela un péché : " Si ton frère a péché contre toi... " Et cette dette demeure, Dieu étant le témoin invisible de tout ce que nous faisons. Finalement, l'offense est aussi une atteinte à la relation. Toute offense, en effet, s'inscrit dans une relation. Celle-ci peut être stable comme celle qui lie des voisins ou des collègues de travail. Parfois c'est l'offense elle-même qui établit la relation comme dans le cas d'un viol. Ce n'est plus seulement la blessure qui pose problème, ni l'acte qui a été accompli, mais l'offenseur lui-même, dont on ne supporte plus la présence. Dans les couples, les petites offenses produisent des bouderies, les grandes engendrent des divorces. La question, à présent, est la suivante : où intervient le pardon face à l'offense ? Contrairement à ce que suggère la question posée, le pardon ne répond pas à la blessure de l'offense en tentant d'éteindre l'amertume. Cette démarche est nécessaire : l'amertume détruit ! Mais pardonner, ce n'est pas un travail que l'on fait sur soi. C'est une démarche que l'on entreprend envers l'offenseur pour régler le problème de sa dette. Le pardon ne ferme pas les yeux sur l'offense. C'est une démarche courageuse, qui cherche, si possible, à rétablir la vérité. Elle pourra ainsi déboucher sur la réconciliation qui vise le rétablissement de la relation. Blessure, dette et rupture de relation, voilà les trois dimensions de l'offense. Chacune d'elles demande une démarche particulière. Le danger serait de les confondre.
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