Ma mère me demande de l'aider à mourir

par CmavieTV

Anne-Claire Chapuis - Ma mère est âgée et très malade. Elle ne supporte pas ce qu'elle est devenue et me demande de l'aider à mourir. Que dois-je faire ? - Nous voilà au coeur du débat sur l'euthanasie. Que penser d'un malade qui nous demande de le tuer surtout lorsqu'il s'agit d'un proche ? Pour aborder cette question si délicate, il convient tout d'abord d'évoquer les circonstances dans lesquelles la demande est formulée. Nous sommes dans une société compétitive qui met en avant la beauté physique, la rentabilité et l'efficacité. Devenir vieux devient donc synonyme d'exclusion et de rejet. En effet, la vieillesse touche d'abord le corps. Les rides, les dents et les cheveux qui tombent, le dos qui se courbe et les pas qui se font de plus en plus lents, tout ceci n'est pas fait pour susciter l'admiration. Pour peu que la dégénérescence mentale apparaisse, autrement dit la sénilité, la personne âgée peut se sentir dévalorisée et inutile. Puisqu'elle n'apporte pas de plus value à cette société mais au contraire constitue une charge, le désir lui vient de la quitter. Pourquoi rester dans un monde où tout vous rappelle que vous êtes indésirable ? Votre mère en est là. Son image d'elle-même est très atteinte. Elle pense qu'elle ne vaut plus la peine d'être aimée. Lorsqu'elle demande la mort, elle est en train de vous tester. En effet, vos commentaires et vos attitudes, comme ceux des autres, ne lui échappent pas. Elle voit bien, dans vos yeux, que vous ne la considérez plus comme avant. Elle remarque votre malaise. Lorsque ceux qu'elle aime la fuient, ou restent vers elle sans conviction, elle le sent. Leur attitude signifie qu'elle n'est plus assez importante pour eux pour l'honorer de leur présence. Alors quelle option lui reste-t-il ? Vous dire "je veux mourir" doit être entendu comme "je veux être aimée, acceptée comme je suis maintenant, avec mes déficiences". De votre réponse va dépendre son bonheur. Laissez-moi vous donner un exemple frappant de ma pratique quotidienne de psychologue en maison de retraite. Lorsque certains patients décèdent, je les regrette car je m'étais attachée à eux. Je faisais auprès d'eux un suivi qui était pour moi valorisant car je savais ce qui les comblait, ma visite leur faisait du bien et il me le disait ou me le faisait comprendre. En revanche, pour d'autres patients, j'étais plutôt pressée qu'ils meurent car je me sentais inutile en leur présence. A l'annonce de leur décès, j'éprouvais plutôt du soulagement qu'un pincement au coeur. Ces sentiments sont humains. Mais ils sont révélateurs d'un travail à faire sur soi. Car il n'y a pas un patient qui mérite plus de mourir qu'un autre, simplement c'est à moi de trouver ce qui peut lui apporter du bien-être ou simplement accepter qu'il n'ait pas besoin de moi. De par mon expérience, j'ai tiré quelques leçons qui m'aident dans ma vie quotidienne. Voici 4 conseils pour vous aider à reconsidérer la question de l'euthanasie. 1. La Bible dit : "Tu ne tueras pas". Elle dit aussi : "Tu honoreras ton père et ta mère". Si l'envie vous prend de vouloir accéder à la requête de votre mère, pensez que c'est davantage pour vous-mêmes que vous voulez le faire, afin d'échapper à cette horrible image de déchéance qui vous renvoie à votre propre vieillesse. 2. Accueillir de quelqu'un son désir de mourir ne veut pas dire qu'on s'engage à l'exécuter. Ecoutez votre maman sans la juger, mais cherchez plutôt à comprendre ce qui motive sa demande. En général, quand on se sent aimé et respecté, on ne veut pas mourir. 3. Faites le deuil de la maman que vous avez toujours connue, je dis cela particulièrement si sa mémoire est partie. Focalisez-vous sur une partie de son corps ou de sa personnalité que vous aimez et complimentez-la. Par exemple, vous pouvez lui dire : "Maman, tu as toujours eu des yeux magnifiques !" ou "Tu n'as pas perdu ton sale caractère, je te reconnais bien là !" 4. Ne prenez jamais au premier degré ce que vous dit votre mère mais voyez le message symbolique qu'il y a derrière. N'avez-vous jamais dit : "Je suis bête" dans l'espoir qu'on vous dise le contraire ? Pensez donc qu'il en va de même pour votre mère, elle vous dit qu'elle veut mourir dans l'espoir que vous la dissuadiez en lui montrant combien elle compte pour vous. Pour conclure, retenez que devenir vieux, dans notre société, est synonyme d'exclusion et que nos anciens se sentent bien vite "hors course". Dans ces conditions, seuls l'affection et l'estime de leur entourage leur donnera envie de savourer les derniers instants qui leur restent à vivre.

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