Je n'ai pas vu le corps. Comment faire le deuil ?

par CmavieTV

Isabelle d'Aspremont - Je n'ai pas vu le corps de mon mari suite à des circonstances d'accident un peu spéciales. Comment arriver à faire le deuil ? Votre question est très importante ! Vous relevez combien il est plus difficile de faire le deuil de votre mari car vous ne l'avez pas vu mort. En effet, vos sens ont besoin de voir le corps de la personne aimée, d'entendre qu'il n'y a plus de paroles, de sentir le froid du corps pour croire à la réalité de la mort pour vous convaincre que c'est bien vrai. Sans quoi, vous risquez de demeurer dans le déni de la mort et de continuer à chercher votre mari. Lors de circonstances accidentelles, les policiers, les thanatologues devraient s'organiser pour permettre aux membres de la famille de toucher un membre du corps de la personne décédée afin de faciliter le processus de deuil. Une mère de famille est arrivée un jour chez moi, car sa fille avait disparu depuis plus de deux ans. Elle ne parvenait pas à faire le deuil de celle-ci. Le dernier lien qu'elle avait eu avec elle était un coup de téléphone pour lui dire qu'elle arrivait à la maison. Après deux heures d'attente, elle téléphona aux hôpitaux de la ville. Très inquiète, elle avertit la police de sa disparition. Après des semaines et des mois de recherches infructueuses, elle commençait à déprimer. Elle sentait que sa fille était morte et elle aurait aimé en avoir la certitude. Elle continuait à se mobiliser pour la retrouver. Épuisée, elle s'adressa à moi. Je lui conseillai de faire le deuil de sa fille. Elle confectionna alors une poupée à la ressemblance de sa fille. Elle fit paraître un avis nécrologique et invita ses amis à la cérémonie de deuil. Une fois la cérémonie terminée, elle invita ses amis sur un bateau afin de jeter la poupée, symbolisant sa fille, dans le fleuve du Saint-Laurent. Tout cela pour vous dire qu'il est important de poser des gestes concrets pour que l'inconscient se convainque de la réalité de la mort. Aujourd'hui, il y a un tel déni du deuil et de la mort que bien des personnes éprouvent de la difficulté à faire le deuil de la personne aimée. Il faut être beau, performant, souriant, en forme physique ... et surtout n'ennuyer personne avec notre tristesse ! Autrefois, lorsqu'un des membres d'une même famille décédait, la communauté se mobilisait pour permettre à la famille de faire son deuil en toute liberté d'esprit. Il y avait des veillées funèbres avec la famille et les amis où la dépouille du défunt était présente, on faisait des prières, des symboles comme la couronne mortuaire était accrochée à la porte, les hommes portaient des brassards noirs et les femmes s'habillaient de gris, il y avait une procession jusqu'au cimetière, etc. C'était la manière d'antan d'apprivoiser l'effroi et la frayeur de la mort, de les humaniser et sans doute de les civiliser. Depuis trente ans, tout est bouleversé. On vit dans une ambiance où on s'acharne à ne pas penser à la mort et à éviter le travail du deuil. On vit dans une société soi-disant civilisée mais qui, par son déni de la mort et du deuil, ressemble de plus en plus à une société de barbares. Il est urgent que l'on redonne à la mort et au deuil leur place, ainsi que la nécessité d'avoir des rituels communautaires ! Si aujourd'hui quelqu'un tenait à manifester la douleur de son deuil, il serait spontanément puni par un vide social autour de lui. Il existe un lieu caché, jamais assez invisible, pour les tombes. Mais il y a aussi un lieu pestiféré pour ceux qui touchent la mort de près. Les endeuillés qui ont la témérité d'afficher leur tristesse en public et qui refusent de faire semblant de ne pas souffrir se voient bannis par l'entourage social. Aussi les deuilleurs qui osent faire leur deuil, le font en catimini. Il existe un ghetto pour les vieux et pour les mourants. On meurt dans les hôpitaux ou dans des mouroirs appropriés, le mourir chez soi parmi les siens est devenu presque impensable. On évite tout ce qui touche à la mort. La mort a pris des allures de trouble-fête. Le seul fait de prononcer le mot mort fait sursauter un bon nombre de personnes. Les média présentent constamment des jeunes personnes jouissant d'un hédonisme. Quant aux vieilles personnes, la publicité promet des cures de jeunesse, comme si le fait de vieillir et donc de mourir était remis en question. Nier la mort et le deuil engendre une autre mort ! Bien des personnes se retrouvent dans votre situation, vous savez ! Elles parviennent néanmoins à faire leur deuil. En fait, à force de ne plus rencontrer, toucher la personne aimée, l'inconscient se convainc que la personne aimée a belle et bien disparu pour toujours. En plus, vous avez peut-être vu l'accident de votre mari ou vous avez cherché à l'imaginer, je vous inviterais à laisser aller votre imagination, sans restriction. C'est comme si une partie de vous savait ce qui s'était passé. Je crois qu'il y a une communication extra-sensorielle entre 2 personnes qui s'aiment lors de la mort de l'un d'eux! Faites confiance à votre imagination, elle est une alliée pour vous !

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