Enfant gravement malade, je suis épuisée
par CmavieTV
Agnès Sanders - J'ai un enfant gravement malade (ou handicapé) et je n'ose pas le confier à quelqu'un d'autre, même pour quelques heures. Je me sens épuisée et je ne sais pas que faire. Vous êtes une maman, et la maman se sent toujours responsable de la vie de son enfant. C'est instinctif, naturel, et même constaté dans presque toutes les espèces animales. Le fait de confier son enfant à quelqu'un d'autre, même s'il n'est pas malade, est une attitude réfléchie, et non instinctive. La maman chatte ne donne pas ses chatons à garder à sa voisine. C'est toujours une petite (et parfois) grande souffrance pour une mère de laisser son enfant en garde pour la première fois. Quant à l'enfant, il suffit de regarder la télévision à chaque rentrée des classes pour constater que les petits vivent le plus souvent cette séparation dans les pleurs. Pourtant, faite dans de bonnes conditions, cette étape est nécessaire à un bon apprentissage de l'autonomie, qui va se poursuivre pendant de nombreuses années. La séparation, souvent brutale, d'un enfant malade est encore bien plus difficile. L'enfant malade est plus vulnérable, notre instinct de protection s'accroît donc naturellement. La maman peut avoir l'impression, à tord ou parfois à raison, que si elle laisse l'enfant, ne serait-ce qu'un moment, son état va s'aggraver et qu'il risque de mourir pendant son absence. Elle sait qu'elle est la personne la plus concernée par le cas de son enfant, et pense donc qu'elle est celle qui connaît le mieux ses besoins, son traitement, et les erreurs à ne pas commettre. C'est en partie vrai, mais la maman doit se rendre compte aussi de ses limites : limites en connaissances médicales, bien sûr, mais aussi limites en énergie physique et émotionnelle. Dans un service hospitalier, les infirmières et médecins se relaient. Mais Après une journée de travail, ils se reposent. Ils sont auprès des patients moins de 35 heures par semaine, alors qu'une maman est souvent présente 168 heures par semaine auprès de l'enfant, soit presque 5 fois une charge de travail normale, y compris des nuits non réparatrices. Même si le papa partage la tâche, il est le plus souvent au travail pendant la journée, et a aussi besoin de sommeil réparateur. Bien entendu, quand la charge de travail physique et mentale est trop forte, l'efficacité s'en ressent : La personne qui connaît le mieux l'enfant malade n'est alors plus forcément celle qui peut le mieux s'en occuper. D'autre part, plusieurs autres personnes vont souffrir de la surcharge de la maman : les frères et soeurs du malade, et le couple des parents. La mère risque de s'isoler socialement et de s'épuiser physiquement. Elle finira, contre son gré et souvent sans s'en apercevoir, à être nuisible même pour la personne pour qui elle se sacrifie : son enfant malade. Bref, si vous vous reconnaissez dans cette situation, vous comprenez bien que vous ne pouvez pas continuer comme ça. En tant que maman, vous devrez rapidement être relayée et soutenue dans vos efforts. Dans les moments les plus aigus de la maladie, c'est l'hôpital qui joue ce rôle. En principe, si tout se passe bien, vous êtes soulagée de remettre votre enfant entre les mains de professionnels qualifiés. Que vous restiez ou non auprès de votre enfant à ce moment là (ce qui est souvent une décision très difficile dans un état de grande fatigue), il est probable que vous vous reposerez mieux que lorsque vous en portiez seule ou presque, la responsabilité à domicile. Peut-être que vous vous reposerez mieux chez vous, ou peut-être que vous ne pourrez dormir qu'à proximité de votre enfant, même s'il est inconscient. Dans les périodes moins aiguës, lorsque votre enfant malade est à domicile, et si la situation se prolonge, essayez, avec votre famille, de vous organiser autour d'une nouvelle donne : L'un de ses membres est vulnérable et nécessite la présence d'une personne compétente en permanence. Il est important, dès que possible, que cela ne soit pas que la mère. Il sera de plus en plus difficile avec le temps de se libérer d'une organisation fondée sur une seule personne. Il peut s'organiser alors une HAD (Hospitalisation à domicile), avec un soutien infirmier quotidien, des gardes nocturnes régulières, et le passage de différents acteurs tels que kinésithérapeutes, ergothérapeutes, etc. Cela permettra à la mère quelque répit, qui apprendra peu à peu à faire confiance à d'autres. Peut-être passera-t-elle alors à une autre étape : La reprise d'activités sociales ou professionnelles, avec une garde organisée à la maison. Dans le cas de lourd handicap définitif, la famille s'orientera peut-être vers une étape difficile mais parfois bénéfique pour tous : le placement en institution spécialisée de l'enfant malade. C'est là un autre sujet que je n'aborderai pas ici. A chaque étape, la mère doit combattre le sentiment de culpabilité de l'abandon de son enfant vulnérable. Elle doit aussi se rendre compte que l'enfant a également besoin de l'interaction avec d'autres personnes. Bien entendu, les parents doivent se montrer très vigilants sur la qualité de la garde. On ne peut bien sûr pas faire appel à n 'importe quel baby-sitter occasionnel. Il faut pourtant se lancer : quelques minutes d'abord, puis plus longtemps. Un bénéfice secondaire sera le rapport social que la mère pourra développer avec les personnes aidantes, qui sera favorisé par le fait que ces personnes seront familières avec son principal sujet de préoccupation : Le bien être de son enfant malade. Parfois, et surtout s'il n'y a pas d'autres enfants, et parfois pas de conjoint présent, ces personnes seront son principal lien avec le monde extérieur. Si dans les premiers temps, il est souhaitable qu'elle reste pendant que les intervenants agissent, il est préférable, dès qu'une relation de confiance est établie, qu'elle sorte de la maison pour s'ouvrir sur d'autres rapports sociaux. Toute cette évolution familiale inattendue (personne n'envisage ce scénario de vie à l'avance) demande une grande capacité d'adaptation dans un climat d'anxiété. Je suis persuadée que dès qu'une situation de ce type se prolonge, une aide psychologique familiale ou individuelle appropriée est très souhaitable.
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