Elle ne me parle plus. Aurais-je dû laisser faire?

Bernard Bally - Depuis que j'ai repris ma collègue sur sa façon de me parler, elle ne m'adresse plus la parole. Aurais-je mieux fait de ne rien dire et la laisser faire ? Une clarification s'impose d'emblée. Est-ce sa façon à elle de vous parler que vous n'avez pas acceptée ? Vous étiez alors en droit de lui mettre une limite. Ou est-ce, à l'inverse, vos paroles qui ne lui ont pas convenu ? Pensez-vous avoir un problème vous-même ? Fallait-il ne rien dire et laisser faire ? A qui appartient le problème réellement ? Voilà beaucoup de questions ! La communication, c'est parfois un peu compliqué ! Et le fait qu'elle ne vous adresse plus la parole n'arrange pas les choses. Comment savoir ? Pour l'instant, vous vous demandez si vous avez bien fait ou mal fait. Vous avez repris sa façon de parler. Qu'est-ce qui vous a fait réagir ? Peut-être avez-vous bien fait : vous ne vous sentiez pas respectée. Ses critiques, ses jugements à l'emporte-pièce, étaient dirigés injustement contre vous. Ne rien dire l'aurait encouragée à continuer. Vos paroles l'ont remise à sa place, hors de votre espace. Si elle ne vous adresse plus la parole, c'est pour vous faire céder. Elle veut vous faire croire que c'est à cause de vous que tout cela arrive, et que vous n'avez plus le droit à la parole à ses yeux. Vous êtes certainement sensible sur ce point, facilement culpabilisée et prête à prendre sur vous les problèmes que d'autres ne veulent pas assumer pour eux-mêmes. Certaines personnes sont très manipulatrices. Elles utilisent le retrait émotionnel pour retourner la situation à leur avantage. C'est ainsi qu'en vous exprimant, vous aviez deux réactions possibles : soit la personne se remettait en question dans sa manière de vous parler - et votre relation se clarifiait -, soit elle se bloquait - et vous n'obteniez rien de plus. Dans ce dernier cas, c'est peut-être le signe que cette relation n'est pas constructive, qu'elle ne peut rien vous apporter. Autant en tirer la conclusion qu'il y a des personnes qu'il vaut mieux éviter, parce qu'elles cherchent toujours à dominer les autres et leur vouloir du mal, même inconsciemment. Je reconnais que la situation n'est pas toujours simple. Vous travaillez dans le même service que votre collègue. Si la question qui vous divise est d'ordre professionnel, vous pouvez en référer à votre chef hiérarchique. Si elle est d'ordre privé, relationnel, il ne s'agit pas bien entendu de monter tout le service contre elle, car ce serait une contre-manipulation. Vous avez à poser une bonne limite, qui puisse vous protéger de son influence directe ou indirecte. Votre parole a eu cette fonction, et vous n'avez pas à vous en culpabiliser. La plupart des gens n'aiment pas les conflits. Peut-être avez-vous reçu une éducation où la colère n'avait pas sa place, sous peine de sanction. Tout était en place pour qu'il n'y ait pas de conflits, et vous ne pouviez pas être vous-même. Or, vous avez réagi à votre collègue, vous êtes entrée en conflit. Comment alors gérer cette situation si vous n'avez pas appris à y faire face ? Votre cause peut être justifiée, mais vous manquez de moyens. Faites-vous aider par une personne de confiance et neutre. Supposons que ce sont vos paroles qui ont blessé votre collègue. Comment le savoir ? Un bon moyen, c'est d'évaluer votre réaction émotionnelle. Sa façon de vous parler vous rappelle-t-elle une autre personne, un de vos parents par exemple, qui vous a blessé dans le passé ? Sentez-vous une résonnance désagréable en vous ? Vous avez probablement réagi avec agressivité, en projetant sur votre collègue un sentiment éprouvé il y a longtemps envers quelqu'un d'autre. Dans ce cas, c'est vous qui avez un problème. Vos réactions émotionnelles non maîtrisées signalent qu'un point douloureux a été touché. Votre collègue n'y est pour rien. Peut-être est-elle désolée de ce qui est arrivé, et a-t-elle eu besoin de prendre un peu de distance. Si vous travaillez sur vos réactions, il y aura de l'espoir pour réparer votre relation avec elle. Ainsi va la vie. Rien n'arrive tout-à-fait par hasard. Je vous invite à cesser de vous culpabiliser, si c'est le cas. L'important, ce n'est pas tant l'événement, que la manière dont vous réagissez, autrement dit comment vous vous positionnez. Que pouvez-vous apprendre ? Un mieux-être avec vous-même vous conduira à un mieux-vivre avec les autres.