Contrôler mes sentiments devant enfant malade
par CmavieTV
Agnès Sanders - Je n'arrive pas à contrôler mes sentiments devant mon enfant malade : Parfois je pleure, parfois je suis en colère, et j'ai même des sentiments hostiles. Suis-je un monstre ? Tout d'abord, je voudrais vous dire qu'avoir des sentiments complexes lorsqu'on vit une épreuve difficilement supportable et qui s'impose à nous, est normal. Face à notre impuissance devant la douleur de notre enfant, nous ressentons de la peur face à un danger mal défini, de la colère liée au sentiment d'injustice (pourquoi ça m'arrive à moi ?), de la tristesse face au deuil de l'enfant normal s'il reste handicapé, ou au deuil de l'enfant s'il vient à mourir. Je vais répondre à votre question en 2 temps : Oui, ce que vous ressentez est humain et normal. Il est normal que ces sentiments, qui nous semblent négatifs, évoluent dans le temps avec le déroulement de l'épreuve. La peur s'exprime souvent par des manifestations que l'on dit somatiques, c'est-à-dire dans notre corps : Les troubles digestifs et les maux de tête sont les plus communs, mais toutes sortes de symptômes peuvent apparaître. La colère s'exprime souvent par l'irritabilité, voire l'agressivité. On se sent souvent agressif par rapport aux personnes qui ne sont pas directement concernées par notre problème, comme si on leur en voulait de poursuivre une vie normale. Une maman peut se sentir agressive par rapport à son mari si elle estime qu'il n'est pas assez attentif au souci familial. Ou bien, elle peut en vouloir à ses autres enfants, qui tentent de retenir son attention. Ou bien encore, et c'est encore plus culpabilisant, elle peut en vouloir à cet enfant malade qui bouleverse la vie familiale et qui ne guérit pas comme les enfants devraient guérir. On se dit qu'on n'est pas le bon parent qu'on a souhaité être. On se sent impuissant, ce qui peut susciter un sentiment d'hostilité très culpabilisateur. Autre chose : la colère, qui ne s'exprime pas librement, le fait parfois par le déni : le parent n'admet absolument pas la gravité ou le handicap de l'enfant, ce qui met tous ses proches très mal à l'aise et empêche une communication franche et utile. Parfois encore, c'est la tristesse qui domine et une mère ou un père fondra en sanglots devant son enfant, s'en voulant aussitôt de ne pas être la personne forte qu'elle pense devoir être. La 2ème phase de ma réponse est : Ne niez pas vos émotions, mais apprenez à les contrôler et à les exprimer. Devant les tempêtes de la vie, nous ne pouvons que réagir émotionnellement. Nous savons que les personnes qui ont reçu de multiples agressions dans l'enfance sans pouvoir exprimer leurs émotions en portent de graves séquelles plus tard. Un des principes de la psychothérapie est de pouvoir exprimer ses émotions dans un contexte sécurisant et non jugeant. La question n'est pas tant s'il est légitime d'exprimer des émotions intenses, mais plutôt de savoir les contrôler. Lorsqu'un événement est grave et soudain, comme la mort d'un proche, l'expression peut en être incontrôlable. C'est tout à fait acceptable et même utile au processus de deuil qui va peu à peu s'installer. L'expression de l'anxiété peut aussi être utile à mettre en place des comportements appropriés à la situation, comme le fait d'appeler les secours avant qu'il ne soit trop tard. Ce qui devient mauvais, par contre, c'est une expression de sentiments démesurée par rapport à l'agression, par exemple le fait de secouer dans la colère un enfant qui pleure pour qu'il se taise, ou de rester paralysé par la peur et de n'appeler aucune aide en cas d'accident. Ça peut aussi être le fait de pleurer tous les jours devant un enfant malade en se lamentant de la situation : Qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ! C'est l'enfant malade qui se sent alors souvent coupable, tentant de rassurer le parent, avec une inversion pathologique des rôles de consolant-consolé. En fait, l'expression des sentiments doit normalement évoluer avec les étapes de l'épreuve, selon un enchainement bien connu : peur, déni, colère, tristesse, acceptation. Le temps nécessaire pour passer ces étapes dépend de chaque situation et de chaque personne. Toute personne proche de l'enfant malade vivra ses propres étapes, et il peut y avoir un décalage entre deux époux, par exemple, source d'incompréhension et de difficultés conjugales. L'important est de ne pas rester indéfiniment à une étape intermédiaire, par exemple rester dans une anxiété constante, source de dépression, ou dans un déni définitif qui prive d'une aide par la communication. Que faire lorsque nous ne maîtrisons pas nos sentiments, en particulier dans des situations qui se prolongent ? Parlez-en et faites-vous aider. Ne restez pas isolé. Si vous avez un ou une amie proche en qui vous avez confiance sans être jugé, parlez-en. Souvent, ce n'est pas facile de parler de ce genre de choses, parce qu'on se sent coupable et incompris. L'endroit le plus propice pour se sentir compris est dans un groupe de personnes vivant des situations proches de la nôtre. C'est pourquoi il existe des groupes de parole et de soutien pour les familles d'enfants atteints de maladies chroniques. On ne peut trop encourager les parents, et parfois les frères et soeurs, voire les grands-parents, à participer à ce genre de rencontres. C'est là qu'on peut exprimer des sentiments inacceptables ailleurs, et réaliser qu'on n'est pas les seuls à réagir ainsi à une situation terrible. Il est utile d'entreprendre une psychothérapie de soutien pour la famille. Cela peut prendre la forme d'une psychothérapie familiale, si tous les membres de la famille sont prêts en même temps à l'entreprendre, mais cela peut-être aussi une psychothérapie individuelle pour celui qui est prêt et en ressent le besoin. N'oublions pas les frères et soeurs de l'enfant malade. Sachons être vigilants à reconnaître des signes d'anxiété réactionnelle chez ces enfants, souvent masquée par des troubles physiques ou des comportements inattendus. L'important est de reconnaître le besoin d'aide, de l'accepter et de trouver l'accès à cette aide. Vos réactions émotionnelles pourront ainsi être reconnues comme telles, puis être accompagnées, enfin contrôlées et acceptées. Beaucoup y sont parvenus, alors avec de l'aide, pourquoi pas vous ?
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