Annoncer à mon père qu'il a un cancer ?

par CmavieTV

Christian Klopfenstein - Le médecin de mon père vient de m'annoncer qu'il a développé un cancer à un stade déjà très avancé. Dois-je prévenir mon père ? Et si oui, comment vous y prendriez-vous? Je comprends bien votre question car je suis médecin, et même pour un médecin il est toujours difficile et douloureux d'annoncer une mauvaise nouvelle. Plus on aime une personne, plus on aimerait ne lui dire que des choses agréables... Votre père, comme tous les malades, a besoin d'être rassuré, consolé, mais l'amour véritable est indissociable de la confiance et de la vérité. Vous devez apprendre à répondre franchement à ses questions avec tact, mais sans détours. Le patient demande parfois s'il va mourir, mais en fait il attend souvent un message d'espérance, il voudrait être rassuré. Les tabous, les mensonges aggravent sa solitude et son angoisse. Comment donc dire la vérité à votre père ? Deux écueils : abandonner ou mentir. Votre médecin pourrait vous aider à lui parler... Sachez que depuis 1979, dans l'Union Européenne, le droit à l'information est reconnu : le médecin doit être clair, simple et loyal sur les complications possibles, les séquelles, et ce même avec les enfants de 5 ou 6 ans. C'est aussi le désir de trois Français sur quatre et même plus. La révélation d'un pronostic cependant n'est pas une vérité qui peut tuer...La vérité ne doit pas blesser. La volonté du patient doit être respectée et il est important de lui dire ce qu'il peut entendre avec tact et douceur, progressivement. La vérité aide souvent à réduire l'angoisse et aide le patient à adhérer à son traitement, elle favorise les relations de confiance. Un petit truc entre nous : la forme est plus importante que le fond dans l'art de communiquer. Autrement dit : on peut tout dire, tout dépend de la manière dont on le dit. Je vais vous parler du protocole en six étapes du docteur Buckman, cancérologue à Toronto, qui peut vous être utile. Il s'adresse aux médecins, mais adaptez-le pour vous, voici ce qu'il indique : 1°-Les préliminaires : soyez détendu et rassurez le patient ; asseyez-vous et prenez le temps pour parler de vive voix ; demandez si l'accompagnant du malade est de la famille ; demandez : comment vous sentez-vous aujourd'hui? 2°-Que sait le patient ? Cela demande une écoute attentive du médecin. Ce que le patient a compris de sa maladie ; quel est le niveau d'expression utilisé jusqu'à ce jour par les autres professionnels (par ex., une boule n'est pas un cancer) ; quel est le contenu émotionnel des messages,je parle du verbal et du non verbal comme les crispations, les pleurs ou la détente. 3°-Que veut savoir le patient? Si son état est grave, veut-il le savoir ? Y a t'il quelqu'un d'autre à informer (le conjoint, les enfants) ? 4°-La communication d'information doit tenir compte des soucis du patient et de sa personnalité. Il peut être nécessaire de communiquer avec lui par séquences digérables. Comme 50% de ce que vous lui direz lui échapperont, assurez-vous qu'il comprend bien, utilisez pour cela des dessins, des brochures... Dans tous les cas, le diagnostic, le traitement, le pronostic et le soutien devront être abordés. 5°-Répondez aux sentiments du patient, comment ? En identifiant et en légitimant sa réaction, son agressivité par exemple. 6°-Faites des propositions et abordez le suivi pour préparer l'avenir. Détaillez le traitement et la prise en charge. Récapitulez les points importants, passez un contrat d'avenir avec lui et fixez des rendez-vous. Vous l'avez compris, le malade a besoin de chaleur humaine, mais surtout de confiance et d'espérance. Comment l'aider si votre coeur est plein d'angoisse devant la mort, plein d'incrédulité, de révolte, sans réponse pour vous-même ? La vérité n'est pas l'annonce d'une condamnation, ni d'un pronostic lancé à la va-vite, mais plutôt un message d'espoir...Vous savez dans ma carrière, j'ai toujours vu 2 types de personnes, celles qui ont l'espoir et celles qui ne l'ont pas. Elles ne vivent vraiment pas les circonstances de la même manière. Avez-vous déjà remarqué par exemple une différence chez ceux qui ont la foi ? Leur différence se situe justement dans cette espérance... et je vous assure que même à l'heure suprême, leur visage n'est pas du tout le même que celui de la grande majorité des gens. Transmettez à votre proche parent cette espérance si vous le pouvez, ça changera vraiment sa vie. Et si vous ne savez pas comment faire, faites-vous accompagner.

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