Agressée étant enfant. Quelle attitude adopter ?
par CmavieTV
Agressée étant enfant - Philippe Auzenet - Une collègue de travail s'est confiée à moi, et elle m'a fait part d'agressions dont elle a été victime étant enfant. D'après vous, quelle attitude devrais-je adopter pour l'aider ? Premier point : si cette collègue de travail s'est confiée à vous sur un tel sujet de sa vie intime, c'est que vous lui inspirez confiance et que vous avez certainement une grande capacité d'écoute et de tolérance. Bravo, même si cela ne signifie pas, bien sûr, que vous pourrez trouver immédiatement les bons conseils à lui donner, la preuve en est que vous me posez la question à moi maintenant. Pour que vous puissiez comprendre le contexte, sachez que les agressions sexuelles peuvent être le fait de membres de notre famille : cousin, demi-frère, oncle, père : c'est alors d'autant plus grave que cela tend vers l'inceste. Mais ils peuvent être aussi commis par un voisin, une voisine, un copain d'école, un moniteur de colonie de vacances, ou un inconnu. Aux yeux de la loi elles représentent un délit, voire même dans certains cas, un crime. Ce n'est pas rien. Beaucoup d'agresseurs sexuels menacent leur victime, et l'obligent à se taire définitivement. Parfois c'est la famille qui se ligue et impose le silence, à cause de la honte. Seule la victime d'une agression sexuelle doit prendre la décision de parler, on n'a pas le droit de le lui interdire, car alors on est complice. Pourquoi je dis cela ? Il va y avoir un temps où votre collègue devra parler devant un représentant de la loi. C'est important pour elle. En effet, une agression sexuelle provoque une mort intérieure, une déstructuration, et de nombreux traumatismes physiques et psychiques. La dépression peut s'installer, avec l'envie de mourir ou de se suicider, même longtemps après les faits. Si cette collègue est venue vers vous, c'est qu'elle est en grande détresse, elle n'en peut plus de porter toute seule un fardeau trop lourd qui la détruit. Alors, voici quelques conseils que vous pouvez mettre en pratique : Dans un premier temps écoutez-la en croyant ce qu'elle vous dit, et en partageant sa peine. Cela s'appelle une thérapie de soutien. Et puis, invitez-la à se confier à un psychothérapeute, qui lui donnera la marche à suivre. Il faudra déposer plainte à la police, ce qui sera une nouvelle épreuve. Justice devra lui être rendue, et malheureusement cela prendra du temps, trop de temps ! Une étape nécessaire mais combien douloureuse. Parallèlement, cette personne devra être suivie psychologiquement, car un abus sexuel laisse de nombreuses traces. Parmi elles, on trouve des sentiments destructeurs comme la culpabilité, la honte, un sentiment de solitude et d'insécurité angoissant. Et puis il y a comme un reniement de soi-même, une incapacité à écouter ses émotions et ses besoins. Enfin il y a une vie sexuelle appauvrie, une très mauvaise image de soi, le sentiment d'être mauvais, sale, et une perte de confiance en soi. En somme, le développement de la personne est en péril : développement intellectuel et parfois scolaire, psychologique, social, professionnel. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si votre collègue s'est confiée à vous sur votre lieu de travail. La victime développe des comportements de dépersonnalisation, et de dissociation du corps, afin de se protéger d'agressions plus graves. Elle vit dans la peur des hommes (si c'est une femme). Conseillez à votre collègue de demander une prise en charge psychologique auprès d'un professionnel. Elle est indispensable, et il sera nécessaire qu'elle affronte progressivement la réalité, sans refouler dans la honte et dans le déni de ce qui s'est passé. Il faudra progressivement intégrer la vérité. Ce sont les fondements même de sa personnalité qui ont été ébranlés, et ont provoqué des blessures et des traumatismes, avec de nombreuses séquelles à retardement, comme des cauchemars, des peurs paniques injustifiées, le sentiment de ne plus être qu'un objet et de ne plus être capable de bâtir une vie de couple, l'incapacité à donner ou recevoir de l'amour. Ce n'est pas une mince affaire. On ne peut pas dire à votre collègue : Allez, oubliez ! Ce n'est plus si grave maintenant, cela remonte à quand vous étiez enfant. Tournez une page, pardonnez, n'en faites plus un problème ! Cela équivaudra à la tuer une deuxième fois. C'est comme si on lui disait : Vous n'arrivez pas à marcher sur vos jambes, marchez sur vos mains ! . Je voudrais juste finir en vous disant : merci. Merci pour elle. Il est réconfortant de voir qu'il y a toujours quelqu'un qui s'inquiète pour nous, et qui souhaite vraiment nous aider. C'est ce que vous faites pour votre collègue. Avec ces conseils, vous pourrez vraiment l'aider.
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