Yuka: du danger de la petite cuisine sur les bases de données
par l'Opinion
Cela veut dire quelque chose d'important : la défiance est forte vis-à-vis de la nourriture et les Français ont besoin de transparence, de plus d'informations sur les produits alimentaires qu'ils achètent. Une application qui permet, en scannant le code-barres d'un produit au supermarché, de savoir ce qui les compose apporte une réponse. C'est très positif. Le problème ce sont les bases de données sur lesquelles s'appuie Yuka pour faire tourner ses algorithmes et donner des notations. Et au-delà, sans doute, le poids qu'a pris cette application dans l'appréciation qu'ont les consommateurs de ce qu'ils achètent. Explication : Yuka vient d'être condamné pour le tribunal de Versailles, le 5 mars 2020, pour dénigrement, et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Pas tant pour son application que pour ce qu'il racontait sur son site Internet. Dans un article, intitulé « Halte aux emballages toxiques », qui listait avantages et les inconvénients des différents emballages alimentaires : verre, plastique, carton, et enfin aluminium, Yuka évoquait des risques liés aux boîtes de conserve en aluminium. Elle proposait comme « astuce » de « de les éviter au maximum", Une alerte sanitaire qui ne repose sur rien, concernant les conserves, puisque les boîtes sont protégées par un film et que les autorités sanitaires, qui font une veille constante n'émettent pas d'inquiétude à ce sujet. La Fédération française des industries des aliments conservés a donc obtenu la condamnation de Yuka pour cette généralisation abusive. 3 000 euros de dédommagements et l'obligation de retirer l'article. Cela pose la question des bases scientifiques des notations Yuka. On ne sait pas ce qu'elles sont. Et Yuka n'est pas du tout transparent. Dans sa méthodologie, l'appli explique avoir constitué elle-même sa base de données, qui repose sur les informations des étiquettes et sur les contributions d'utilisateurs. Après, c'est un algorithme qui tourne et qui note. Les professionnels de l'alimentation alertent régulièrement sur les dangers de ce système. Notamment pour ce qui concerne les additifs. La présence de certains fait baisser les notes et disqualifie les produits... Alors que ce sont des produits évalués par les agences sanitaires comme l'Anses ou l'Efsa au niveau européen. En clair : Yuka se substitue à la parole scientifique et lance des alertes là où il ne devrait pas y en avoir. Le danger ? Celui d'une parole parasite. Un café du commerce de l'angoisse. Cela décrédibilise la parole des scientifiques qui travaillent dans ces agences et qui testent les composants alimentaires, évaluent les risques. Cela contribue à la génération de paniques totalement irrationnelles quant à l'alimentation. Et si chaque application de notation se met à faire sa propre petite cuisine en désignant des composants dangereux selon, non seulement les consommateurs ne seront plus informés, mais ils seront complètement perdus et encore plus paumés au moment de faire leurs courses. Et le retour de boomerang est très sérieux : c'est que lorsqu'on a besoin des scientifiques des agences pour trancher sur de vrais problèmes, ils ont du mal à se faire entendre. Cela alimente un complotisme vraiment inquiétant. Il est très bien que les consommateurs soient aidés dans leurs décisions d'achat, éclairés sur les valeurs nutritionnelles... Mais cela ne sera vraiment efficace que lorsque les autorités scientifiques auront pu collaborer à l'élaboration des bases de données. Des tentatives sont en cours, avec Numalim, une plateforme qui se veut exhaustive et fiable, qui a été montée par les professionnels de l'agroalimentaire et qui est financée pour moitié par l'Etat. Evidemment, les critiques n'ont pas tardé à fuser. Les lobbies auraient la main sur la plateforme. Il est sans doute temps que les autorités sifflent la fin de la récré, remettent les agences de sanitaires dans le jeu, afin qu'elles pacifient le débat et remettent de la raison scientifique dans le code-barres.
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