VIDÉO. En Normandie, les comptes d'une octogénaire ont été vidés par ses voisins
par Ouest France
Jusqu’à 2 000 € de retrait en liquide par mois, des restaurants étoilés, des pleins de carburant ou des virées shopping réglés avec sa carte bleue… Les voisins d’une octogénaire d’Ifs, aux portes de Caen, sont suspectés d’avoir largement profité de la faiblesse de la dame âgée, depuis février 2022.Sa filleule Charlotte a écrit à Ouest-France , avec l’accord de Roberte, pour dénoncer cette « situation inédite » qui l’a scandalisée. Elle l’a découverte quand sa marraine a été conduite à l’hôpital après une chute à son domicile, le 4 novembre 2022 : « Je l’ai retrouvée en casaque jetable, sans aucune affaire ni son sac », raconte la jeune femme. Sans famille proche sur place, Roberte était souvent aidée par un couple de voisins. Charlotte les contacte et découvre rapidement que les bons samaritains auraient abusé de sa marraine.Lire aussi : ENTRETIEN. Protection judiciaire : les explications d’un juge des tutelles de Caen« Ils l’avaient mis dans l’ambulance, sans me prévenir, affirmant qu’ils avaient perdu mon numéro », retrace la filleule, qui fait rapidement changer les serrures. Et réalise l’ampleur de l’escroquerie supposée, en épluchant ses comptes. « On trouvait par exemple un retrait de 200 € dans une banque, puis un autre dans un établissement voisin… alors que ma marraine ne sortait plus ! Le jour de sa chute, ils ont gardé sa carte bancaire et ont continué les retraits pendant son hospitalisation. »Lire aussi : Personnes vulnérables dans le Calvados : il n’y a pas que la tutelle pour les protégerDépôt de plainte compliquéeSa marraine, qui présente des symptômes de démence et d’Alzheimer, a longtemps refusé qu’une aide extérieure soit mise en place, se reposant sur ses voisins. Charlotte, médecin, avait bien eu quelques doutes, quand elle trouvait le frigo vide chez Roberte : « Elle me disait que les voisins allaient venir… »Après ses soupçons, la jeune femme, très proche de sa marraine, qui n’a pas eu d’enfant et la considère comme sa fille, décide de protéger son aînée en demandant une sauvegarde de justice (sorte de tutelle mise en place en urgence), enclenchée dès décembre 2022.La filleule dépose également plainte le 27 novembre, malgré « un premier refus au commissariat de police », avant que l’habitante de Bénouville ne se tourne vers la brigade de gendarmerie de Ouistreham : « Ils m’ont bien écoutée et ont mené beaucoup d’investigations. »14 000 € de préjudice estiméEstimation du préjudice : 14 000 €, « 8 000 € de retraits aux distributeurs et 6 000 € d’achats », liste Charlotte. Désignée tutrice dans le cadre d’une tutelle classique depuis septembre 2023, elle a aussi découvert des contrats d’énergie ou une page Facebook ouverts au nom de l’octogénaire. « C’était très bien organisé », pense la jeune femme, qui n’a, en revanche, pas retrouvé les bijoux de Roberte. Le couple de voisins a été jugé pour abus de confiance le 21 novembre (lire ci-dessous). Charlotte espère que cette affaire pourra inciter d’autres familles à prendre leurs précautions.Lire aussi : Les conseils d’UFC contre ces démarcheurs qui abusent les plus âgés à CaenAujourd’hui, l’Ifoise réside dans un Ehpad de Caen. Elle peine à prendre conscience de l’envergure de l’escroquerie : « À 83 ans, on perd un peu ses moyens, on fait moins attention. Je leur donnais ma carte bleue en toute confiance, je ne contrôlais pas trop. J’ai été très déçue quand j’ai appris ce qui s’était passé. Après, j’ai eu un moment où je n’avais plus confiance en personne. »Ses anciens voisins condamnés à verser plus de 11 000 €Après la plainte de la tutrice de Roberte, le couple de voisins a été renvoyé devant le tribunal correctionnel. Il s’y est présenté mardi 21 novembre, pour un procès public.« On ne saura jamais le montant précis des sommes détournées, avec des achats qui ne sont pas en adéquation avec les réels besoins de la victime », a déploré l’avocate de l’octogénaire et de sa filleule (parties civiles). Le préjudice représente « le quart des économies de toute une vie de travail, dilapidé en dix mois ».Le procureur de la République (accusation) a requis dix à douze mois avec sursis probatoire avec une obligation de réparer les dommages.L’avocate du couple a retranscrit « la honte et la culpabilité » ressenties par ses clients, qui parlaient de l’octogénaire « comme d’une personne faisant partie de leur famille, avec des sorties ensemble ». Mais les Ifois n’ont pas résisté à l’argent facile, dans une situation où la famille de la victime était « peu présente ». L’avocate a rappelé leur casier judiciaire vierge : « Ils ne se sont pas rendu compte, quand je leur ai annoncé les sommes » détournées, finalement estimées à 10 000 €. Ils en contestent une petite partie (1 700 €).Le tribunal a condamné le couple à huit mois de prison avec sursis simple chacun, à rembourser 9 556 € à leur ancienne voisine, et à lui verser 1 500 € pour préjudice moral, ainsi que 200 € pour sa tutrice, et 1 489 € pour les frais d’avocat engagés.
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