Un nouveau Mai 68? On se calme !
par lejdd
Mai 2016-Mai 68 ? Certains font la comparaison. Elle est en grande partie hasardeuse. http://www.lejdd.fr/Politique/Loi-Travail-un-nouveau-Mai-68-On-se-calme-787771 D’abord, parce que le monde d’aujourd’hui - celui de la mondialisation - n’a rien à voir avec celui - rétrospectivement presque provincial - que les Français avaient en face d’eux en 1968. Ensuite, parce que la France d’aujourd’hui - divisée, endettée, en restructuration très laborieuse - n’a pas grand-chose à voir avec la France dynamique de 68, dopée par une croissance forte et un chômage faible. Enfin parce que le pouvoir gaulliste de l’époque, certes totalement aveugle par rapport aux attentes des jeunes qui se sentaient globalement corsetés, avait au moins le mérite de faire bloc, donc d’être cohérent. Le concept de "frondeurs" - de Martine Aubry à Cécile Duflot, d’Arnaud Montebourg à Christian Paul - était inconnu au bataillon. Et l’idée qu’il puisse y avoir au sein même du gouvernement, donc au sommet de l’Etat - comme c’est le cas aujourd’hui avec Valls et Macron - des batailles de pouvoir, de ligne, d’ambition était proprement inimaginable. Là encore, jusqu’à la caricature, on n’est pas dans le même monde. Hier : "Je ne veux voir qu’une seule tête." Aujourd’hui, chacun y va de sa chansonnette, ou de son air d’opéra. Ajoutons qu’à l’époque la CGT était devenue au final pour Georges Pompidou, alors Premier ministre, un allié objectif quand il s’agissait de mettre fin aux grèves, aux surenchères gauchistes et à la paralysie d’un pays déjà privé à l’époque d’essence. On se souvient de l’épisode - devenu fameux - d’un Jacques Chirac, revolver dans la poche, allant secrètement négocier avec Henri Krasucki, alors n°2 de la CGT, les futurs "accords de Grenelle". Bref, Mai 68-Mai 2016, la comparaison trouve vite ses limites. Sauf sur un point : cette triste spécialité française de préférer la "révolution" (avec des guillemets) à la réforme. Cette façon de réformer si mal, si tardivement, de façon si cahotique et si peu expliquée que les blocages entretemps s’accumulent jusque à ce que, à intervalles plus ou moins réguliers, une explosion se produise. Et qu’on soit condamné à trouver au bord du gouffre le compromis qui, juste avant, paraissait inatteignable. C’est d’ailleurs exactement la raison pour laquelle Jacques Delors avait renoncé en 1995 à se porter candidat à l’Elysée faute, précisait-il, d’avoir les moyens politiques de la politique réformiste qu’il souhaitait mettre en oeuvre. Les Français revendiquent - pas toujours à tort - l’exception française, par exemple sur le terrain culturel. Mais cette "exception" là - l’incapacité à inventer et à faire vivre des compromis - est consternante autant que coûteuse. Les footballeurs français gagneront peut-être l’Euro. Mais la France politique - si peu mobile - est, elle, sévèrement jugée en Europe.
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