Traitements anti-Covid: où en est-on ?
par l'Opinion
Corticoïdes, antiviraux, hydroxychloroquine... ? Quels traitements sont utilisés ou étudiés contre le coronavirus ? Est-ce utile de développer un médicament ? Les explications de Jean-François Bergmann et Benjamin Davido « On n’a jamais trouvé le moindre médicament capable d’empêcher les morts de la grippe », rappelle Jean-François Bergmann, ancien Vice-président de la commission d’autorisation de mise sur le marché à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Qu’est sera-t-il pour la Covid-19 ? Car aujourd’hui, rares sont les traitements qui ont montré une réelle efficacité contre les formes graves de la Covid-19. « Aujourd’hui, le seul médicament qui a fait ses preuves, notamment dans le recours à l’hospitalisation en réanimation et sur la mortalité de la maladie ce sont les corticoïdes », témoigne Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. « Et on a beaucoup parlé de la déxaméthasone, un corticoïde. Alors ça, il n’y a aucun problème, la déxaméthasone est sûrement aujourd’hui le traitement le plus largement utilisé avec le meilleur niveau de preuves », ajoute le Pr Bergmann. D’autres pistes sont aujourd’hui explorées par différents laboratoires. « Il y a eu des va-et-vient récemment sur les fameux anticorps monoclonaux, les anticorps de synthèse dont une des cibles est cette fameuse protéine spicule qui sert d’amarrage pour le virus à la cellule, c’est la même cible pour la vaccination, détaille Benjamin Davido. Il y a également d’autres pistes intéressantes : la piste des antiviraux. Jean-François Bergmann distingue deux grandes familles de médicaments pour traiter la Covid : « Il y a, en fait, d’une part, le repositionnement de vieilles molécules. C’est-à-dire qu’on prend des médicaments déjà sur le marché qui semblent avoir des propriétés antivirales ou virustatiques pour empêcher la multiplication des virus, ou virucides, pour tuer le virus, et on les relooke », citant l’exemple désormais bien connu de l’hydroxychloroquine. « Mais c’est décevant et aujourd’hui il n’y a rien d’efficace qui ait été démontré », conclut-il. D’autre part, de nouveaux médicaments spécifiquement conçus pour lutter contre la Covid-19 sont à l’étude : « On part de zéro, on fait de la recherche fondamentale, on dissèque le virus, on le séquence, on essaie de trouver des zones enzymatiques par exemple, sur lesquelles on pourrait agir avec un médicament, poursuit Jean-François Bergmann. Il y a pas mal d’études en cours, pas encore de vrais essais cliniques, beaucoup de gens cherchent, y compris des gros laboratoires, Pfizer a dit qu’ils avaient des médicaments en cours de développement mais rien de très concret en termes d’essais chez l’homme. » Plusieurs raisons expliquent que ces recherches patinent, notamment le temps qu’elles nécessitent. « Normalement un nouveau médicament c’est 5 à 10 ans de développement, donc même si on accélère et qu’on fait les choses le plus vite possible, ça pourra peut-être être 2, 3 ans mais pas moins donc ce ne sont pas des médicaments pour demain », prévoit le Pr Bergmann. D’autant plus qu’avec la vaccination, les traitements pourraient perdre de leur utilité. « Si demain tout le monde est vacciné et que le virus disparaît ou s’atténue, l’intérêt de ces médicaments va baisser et les industriels du médicament ne sont pas des grands joueurs, ils n’aiment pas parier dans un domaine où il y a un risque que finalement le besoin disparaisse le temps qu’ils aient développé leur médicament. » Autre frein au développement de ces traitements spécifiques pour lutter contre la Covid, « c’est qu’il ne faut pas oublier que 95% des malades de la Covid guérissent rapidement et spontanément, rappelle l’ancien Vice-président de la commission d’autorisation de mise sur le marché à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Donc faire un médicament pour traiter une maladie bénigne, c’est discutable. » Le développement des variants, notamment brésiliens, rend aussi la tâche plus compliquée. « Si je fais un médicament spécifique de la forme britannique mais qui ne marche pas sur la forme sud-africaine ou sauvage, au fur et à mesure des changements des mutations, mes médicaments vont perdre de leur efficacité », prévient le Pr Bergmann. Pour ces deux experts, si le traitement est nécessaire, la meilleure solution reste la vaccination. « Miser sur le vaccin, c’est évident, à l’image des autres maladies infectieuses, c’est ça qui permet le mieux de prévenir les maladies », estime Benjamin Davido. « Et de l’autre côté, on pourrait imaginer qu’en appui de cette vaccination, on ait ensuite des antiviraux pour, malheureusement, ceux qui sont vaccinés et qui auraient fait des formes symptomatiques », nuance l’infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. IMAGES : Sipa Press MUSIQUES : Dark - Electronic Music, Erothyme - Cherry Picking
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