Toile de Banksy autodétruite : cinq questions autour d'une « performance » inédite.
par Kangai News
Toile de Banksy autodétruite : cinq questions autour d'une « performance » inédite. Depuis des années, Banksy se sert du street art pour dénoncer les dérives de notre société. Vendredi, l'artiste, dont l'identité est maintenue secrète, a manigancé l'auto-destruction d'une de ses œuvres à l'instant même où elle était vendue pour une somme exorbitante. Des questions demeurent toutefois : a-t-il bénéficié de complicités chez Sotheby's ? Comment a-t-il mis en œuvre la destruction ? Que va devenir la toile ? Quel est le message de cette action et qui est ce mystérieux Banksy ? Banksy l'a déjà prouvé par le passé : il adore provoquer. Artiste engagé, il dénonce régulièrement la guerre, la famine, le capitalisme... Vendredi, le graffeur, dont l'identité reste un mystère, a frappé un grand coup en provoquant la destruction d'une de ses propres œuvres juste après sa vente aux enchères. La scène totalement surréaliste s'est déroulée chez Sotheby's, le célèbre hôtel des ventes londonien. La toile, une reproduction peinte à la bombe et à l'acrylique de sa fameuse image « La fillette au ballon », venait d'être adjugée pour 1,042 million de livres (soit 1,185 million d'euros). Soudain, une sirène a retenti et la toile a glissé dans le cadre du tableau, ressortant par le bas déchiquetée en fines lamelles. Mais ce que beaucoup considèrent désormais comme une « performance artistique » pose quelques questions. La maison Sotheby's est-elle complice ? Après la destruction, Alex Branczik, responsable Europe de l'art contemporain chez Sotheby a déclaré dans un communiqué : « Il semblerait que nous venons d'être Banksy-sé (Banksy-ed en anglais) ». La célèbre maison d'enchères londonienne parle de destruction « surprise » et affirme qu'elle n'était pas au courant de l'action manigancée par l'artiste. Mais depuis ce week-end, des voix s'interrogent tout de même sur une éventuelle complicité de l'hôtel des ventes. D'abord, comment Sotheby's, qui doit normalement expertiser l'œuvre, a-t-elle pu ignorer que le cadre était ainsi équipé d'une broyeuse ? Dès lors, certains imaginent, comme le mentionne le Figaro, qu'un mécanisme pourquoi pas explosif pourrait tout aussi bien y être installé sans que quiconque ne s'en aperçoive. D'un autre côté, les experts du monde de l'art n'imaginent pas qu'une maison comme Sotheby's ait pu prendre la responsabilité d'une telle complicité dans la destruction d'une œuvre. « Elle est cotée en bourse et le client, qui était prêt à dépenser plus d'un million d'euros, pourrait se retourner contre eux », estime Nicolas Laugero Lasserre, expert en street-art interviewé par France Info. La déchiqueteuse était-elle là depuis l'origine ? L'œuvre n'était plus la possession de Banksy depuis 2006. Il l'avait alors vendu à un propriétaire qui l'a lui-même revendue samedi. Dans sa vidéo postée le lendemain sur Instagram, le graffeur affirme avoir installé lui-même la déchiqueteuse dans le cadre du tableau « il y a plusieurs années ». Avec en commentaire, cette citation qu'il attribue à Picasso : « Le désir de détruire est aussi un désir créateur ». Mais alors comment a-t-il pu la déclencher douze ans plus tard ? Des complices se trouvaient-ils dans la salle des ventes pour actionner la broyeuse à l'aide d'une télécommande. Une batterie peut-elle tenir si longtemps sans se décharger ? Là encore, la question d'une éventuelle complicité du vendeur ou du nouvel acheteur se pose indéniablement. Que va devenir l'œuvre ? C'est l'une des questions qui intrigue le plus. Le nouvel acheteur va-t-il maintenir son acquisition ? Peut-il l'annuler ? Ou au contraire, va-t-il conserver l'œuvre en état ? Depuis son autodestruction, « ce tableau est entré dans l'histoire de l'art », estime Joey Syer, cofondateur de la plateforme en ligne MyArtBroker, interrogé par le Dailymail. Il juge même que la valeur de l'œuvre aurait désormais doublé. Le nouvel acquéreur aurait donc tout intérêt à la conserver. « Le déchiquetage fait maintenant partie de l'œuvre d'art intégrale », a d'ailleurs commenté Alex Branczik de Sotheby's, qui croit tout à fait possible que la toile n'en soit désormais « que plus précieuse. C'est certainement la première pièce à être déchiquetée spontanément à la fin d'une vente aux enchères. » Quel est le message de cette action ? Depuis de nombreuses années, Banksy dénonce le marché spéculatif de l'art. On peut donc imaginer que le montant vertigineux qu'avait atteint son œuvre l'a poussé à enclencher son mécanisme d'auto-destruction. En 2013, il avait installé un stand aux abords de Central Park où un vieil homme vendait des toiles originales de sa production pour 60 $ alors qu'elles étaient alors estimées plus de 20 000 euros. Et il a péniblement réussi à en vendre sept. « La vidéo de cette performance est devenue virale, rapporte Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l'Icart et spécialiste du street-art interviewé par France Info. Son message, c'était de dire : « Regardez bande d'imbéciles. Quand ça vaut 200 000 euros, vous vous battez pour acheter et quand c'est à la portée de tous, ça n'intéresse plus personne. "Qu'est-ce qu'on achète dans l'art finalement ?" » Mais qui est donc Banksy ? Depuis des années, l'artiste s'applique à conserver son identité secrète. Ses premiers graffitis remonteraient aux années 80 dans la ville anglaise de Bristol dont il serait originaire. Mais il aurait véritablement démarré dans les années 1992-1994 au sein du groupe de graffeurs Bristol's DrybreadZ Crew (DBZ). Ses œuvres urbaines apparaissent sur les murs des villes. Il peint au pochoir des rats, des singes... Et s'en sert pour défendre ses idées. En 2004, il imprime de faux billets de 10 livres dans lesquels le portrait de Lady Di remplace celui de la Reine d'Angleterre. En 2005, il peint des scènes qui évoquent la liberté sur le mur de Gaza qui sépare les Israéliens des Palestiniens. En 2006, il place une poupée gonflable vêtue du costume des prisonniers de Guatanamo en plein Disneyland de Californie. Banksy dénonce aussi à plusieurs reprises le sort des migrants comme en 2015 à Calais où il peint un portrait de Steve Jobs, créateur mythique d'Apple portant un ordinateur et un baluchon. L'artiste rappelle ainsi que celui-ci était le fils d'un immigré syrien, arrivé aux États-Unis dans les années 1950. Son identité maintenue secrète alimente toute sorte de rumeurs. L'un de ses amis, DJ Goldie aurait accidentellement dévoilé le prénom de Banksy, "Rob", lors d'une interview. Une bévue qui est venue corroborer la rumeur comme quoi le graffeur serait en réalité Robert Del Naja, membre du groupe Massive Attack. Le journaliste Craig Williams avait, en effet, constaté en 2016 que les oeuvres de Banksy apparaissaient régulièrement dans les villes où le groupe donnait des concerts. Interrogé à ce sujet, le musicien, effectivement originaire de Bristol, a démenti être Banksy mais a reconnu qu'il le connaissait et qu'ils étaient amis d'enfance. Son nouveau fait d'armes de vendredi devrait relancer à ses trousses les paparazzis qui tentent, depuis plusieurs années, de le photographier.
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