Quatrième vague de Covid-19: que sait-on du variant delta?
par l'Opinion
Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, et Jérémie Guedj, chercheur à l’Inserm, passent au crible le variant delta, responsable de la quatrième vague de Covid-19 qui déferle sur la France « On est dans une quatrième vague et c’est une vague qui ne ressemble pas aux précédentes parce que la pente est beaucoup plus raide et parce que l’augmentation se fait beaucoup plus rapidement », observait le 22 juillet sur France Inter le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. En plein coeur de l’été, la quatrième vague continue de déferler sur l’Hexagone. « Plus encore que les précédentes, la quatrième vague frappe tout le territoire. Le taux d’incidence augmente fortement partout, dans plus de la moitié des régions il fait plus que doubler, expliquait-il encore à l’issue du Conseil des ministres ce mercredi. La carte de France est désormais presque entièrement rouge et elle est par endroit rouge écarlate (....) La tension hospitalière est désormais en hausse au niveau national. » On compte en moyenne 19 000 cas positifs au Covid-19 chaque jour, en hausse d’environ 90 % sur une semaine. Les admissions en soins critiques augmentent de 73 % par rapport à la semaine dernière. « Si on continue à se vacciner au rythme où on se vaccine, les simulations et les modélisations de l’institut Pasteur à Paris montrent que finalement, la crainte que l’on avait d’atteindre d’ici trois semaines 4 000 hospitalisations quotidiennes pourrait tomber aux alentours de 2 500 et que si en plus un certain nombre de mesures barrières comme le pass sanitaire sont bien respectées, on pourrait espérer 2 000 », explique à l’Opinion Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille. Particulièrement forte, la quatrième vague s’explique par la présence du variant delta qui représente désormais 90% des cas, selon le site CovidTracker. « Il se répand très vite mais il ne semble pas être plus virulent, c’est-à-dire entraîner des formes beaucoup plus graves que ce que l’on connaît jusqu’à présent, analyse Philippe Amouyel. Il entraîne des formes graves, la vaccination protège notamment contre ces formes graves, mais pour l’instant, pas apparemment de différence avec le variant alpha (britannique) si ce n’est cette contamination beaucoup plus grande qui amène bien sûr plus de gens en hospitalisation à un certain moment. » Selon une étude chinoise publiée sur le site de la revue Nature, les personnes infectées par le variant delta auraient une charge virale jusqu’à 1 260 fois supérieure à celle des personnes infectées par la souche d’origine. Une donnée reprise par le ministre de la Santé Olivier Véran au Sénat le 22 juillet : « La charge virale, c’est-à-dire la capacité, une fois que vous êtes infecté, à projeter vous même du virus serait 1 000 fois supérieure avec le variant delta qu’avec les variants précédents. » Mais pour Jérémie Guedj, chercheur à l’Inserm et spécialiste de la modélisation des dynamiques virales, ce chiffre est à relativiser : « Ce qu’on savait par exemple avec le variant anglais, c’est que probablement on avait des charges virales un peu plus élevées. Si vous expulsez en permanence des quantités de virus plus importantes, on comprend assez bien que ça puisse être lié à une augmentation de la contagiosité. Mais on parle d’ordres de grandeur qui étaient deux, quatre fois, dans le grand maximum des cas dix fois supérieurs. Donc on a un peu de mal quand même à croire – mais il va falloir voir sur des données consolidées – que ça puisse être vraiment 1 000 fois supérieur comme ça a été évoqué dans cette étude chinoise. Il faut avoir conscience que cette étude chinoise est quand même un peu particulière dans le sens où ils ont vraiment suivi de manière extrêmement précise des individus qui étaient infectés au tout début de leur maladie puisqu’ils les suivaient notamment via des études de contact tracing et on sait qu’avec ce type d’approche, on va avoir tendance à identifier des patients très tôt dans leur maladie, au moment où ils ont une charge virale très, très élevée. Et donc ça peut expliquer cette interprétation, peut-être un peu biaisée, d’une charge virale qui serait 1 000 fois supérieure. Donc je pense qu’il faut rester très prudent, il ne faut pas prendre ce facteur 1 000 au pied de la lettre, c’est probable qu’on ait une charge virale plus élevée. A quel point est-elle vraiment plus élevée ? On le verra dans les prochaines semaines. » De plus, comme l’explique Jérémie Guedj, il faut bien distinguer la charge virale de la contagiosité : « La charge virale c’est une mesure de la quantité totale de matériel viral qui était présent dans la sphère nasopharyngée, dans le nez. Pour beaucoup de virus, la grande majorité du matériel viral qui va circuler, qu’on va prélever, c’est du matériel qui est non-infectieux, on ne sait pas très bien pourquoi, c’est du matériel qui est défectueux ou c’est du virus qui est déjà mort. Donc on sait que c’est une mesure globale de la quantité de virus qu’il y a mais ce n’est pas directement une mesure de votre contagiosité. » « Quand vous êtes vacciné, vous ne risquez pas de contaminer les autres », a affirmé ce mercredi sur Franceinfo le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Mais si les vaccins protègent des formes graves, ils n’empêchent cependant pas la contamination ni la transmission. « Lorsque l’on est vacciné, on est protégé des formes graves, on contamine beaucoup moins son entourage », tempère Philippe Amouyel. « Les vaccins ARN (Pfizer, Moderna) en particulier, ont une très bonne efficacité, rappelle Jérémie Guedj de l’Inserm. En premier lieu contre les formes graves, c’est-à-dire l’hospitalisation. Mais ils ont même une efficacité contre les formes juste symptomatiques et ils gardent une efficacité extrêmement importante contre les infections asymptomatiques. Et là, si on revient à nos histoires de charge virale, une des raisons pour lesquelles ils marchent si bien, c’est que même un individu qui est infecté quand il est vacciné, sa charge virale, sa quantité de virus, va être nettement plus faible qu’un individu qui aurait été infecté mais qui ne serait pas vacciné. Et on estime que des individus vaccinés mais infectés vont avoir un risque de transmission qui va diminuer de 50% par rapport à un individu qui serait infecté mais non vacciné. Et donc ça, ça va contribuer à avoir une infection beaucoup plus légère, à avoir une infection moins symptomatique, une infection qui va être plus rapidement éliminée par l’organisme et qui va éviter d’aller vers tout cet emballement du système immunitaire qui peut aboutir, dans ces formes graves, à l’hospitalisation. »
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