Prisons. Pourquoi la France n'en finit pas avec la surpopulation carcérale.

par Kangai News

Prisons. Pourquoi la France n'en finit pas avec la surpopulation carcérale. Comment stopper la surpopulation carcérale ? L'actuel gouvernement présente ce mercredi son plan pour tenter de réduire le trop-plein de détenus dans les prisons. L'état des lieux est déplorable. L'interrogation demeure : comment des détenus entassés peuvent-ils se réinsérer ? Les gouvernements passent et la surpopulation carcérale continue de progresser. En août, 70 519 personnes étaient détenues dans les prisons françaises alors que celles-ci ne disposent que de 59 870 places. Qui se rappelle qu'au milieu de l'année 2001, la France comptait moins de 49 000 détenus ? Plus de vingt mille détenus supplémentaires en moins de vingt ans. Et dire que certaines personnes, parmi les politiques ou la population, continuent de prétendre que les juges emprisonnent de moins en moins... Des maisons d'arrêt saturées Ce sont les maisons d'arrêt qui sont touchées par cette surpopulation carcérale : c'est-à-dire les établissements pénitentiaires qui accueillent des détenus provisoires (prévenus en attente d'un jugement) et des condamnés à moins de deux ans de détention. Les centres de détention et les maisons centrales qui hébergent les moyennes et longues peines, ont parfois plus de places que de détenus. Depuis les émeutes des années 1970, l'administration pénitentiaire a fait le choix de ne pas surcharger ces deux types d'établissement pénitentiaire. Ce sont dans les maisons d'arrêt que l'administration est obligée d'installer des matelas au sol pour héberger tous les prévenus et condamnés (1 527 au mois d'août). Et la surpopulation atteint parfois des densités invivables : 648 détenus pour 350 places à Bordeaux Gradignan ; 306 détenus pour 180 places à Béthune ; 907 détenus pour 640 places aux Baumettes à Marseille, 2 534 détenus pour 1 320 places à Fresnes (un quasi record de surpopulation !). Dans l'Ouest, les petites maisons d'arrêt vendéennes battent des records : 72 détenus pour 39 places à Fontenay-le-Comte et 81 détenus pour 39 places également à La Roche-sur-Yon. A Lorient : 286 détenus pour 187 places. Des prisons dégradées Outre la surpopulation, plusieurs prisons connaissent des conditions de détention inhumaines. A Marseille, dans le nouveau bâtiment des Baumettes 2, ouvert il y a un peu plus d'un an, les autorités avaient fait le pari de l'encellulement individuel (en théorie imposé par la loi) : à savoir un seul détenu par cellule. Mais en mai dernier, l'Observatoire international des prisons (OIP) avait comptabilisé 795 hommes et femmes emprisonnés pour... 573 places. Et surtout des locaux déjà « dégradés ». Avec notamment de nombreuses infiltrations d'eau : « Des bassines sont disposées çà et là, dans certains bureaux, à l'unité sanitaire, aux parloirs. « Dans un bureau du greffe, un carré de faux plafond a même cédé sous le poids de l'eau qui s'y accumulait » raconte un employé, rapporte l'OIP. Dans la vétuste prison de Fresnes, c'est pire. Lors de sa visite sur place, en octobre 2016, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, avait constaté des « parloirs, constitués de boxes minuscules d'à peine 1,3 ou 1,5 m2, dans un état d'abandon total : salpêtre et crasse en font des lieux indignes ». Sans compter les « rats qui évoluent en masse dans les bâtiments ». Le gouvernement a prévu de la rénover pour 270 millions d'euros. Davantage de détentions provisoires Comment expliquer cette surpopulation grandissante ? Indéniablement, depuis près de vingt ans, et plus encore depuis les attentats de 2015, la politique pénale a pris un tournant sécuritaire. Le seul nombre de prévenus en détention provisoire suffit à l'illustrer : plus de 20 300 personnes, en août, étaient incarcérées et en attente d'un jugement. Soit près de 30 % du nombre total de détenus. Et ce, alors que « la prison doit constituer le dernier recours », rappelle régulièrement Adeline Hazan. Autre explication : si les juges d'application des peines prononcent le port de bracelets électroniques (un peu plus de 11 000 condamnés en portent), les autres peines alternatives sont peu prononcées. Notamment le travail d'intérêt général, insuffisamment organisé en France. Finies les grâces présidentielles Enfin, l'ancien député socialiste de Loire-Atlantique, Dominique Raimbourg, spécialiste des questions judiciaires, rappelle que jusqu'en 2008, « il existait un mécanisme de régulation de la surpopulation. Il s'agit de la grâce présidentielle. Tous les ans, le 14 juillet, le président la République graciait collectivement des détenus en fin de peine. Cela entraînait la sortie d'environ 3 000 à 4 000 détenus tous les ans. Ainsi cela permettait de soulager les prisons pour l'été ». Pour faire face à cette situation, l'actuel gouvernement a annoncé la construction de 15 000 nouvelles places de prison... mais non plus sur cinq ans, comme promis par le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron, mais sur dix ans. Par ailleurs, le gouvernement entend interdire les peines de prison inférieures à un mois, développer les peines alternatives et créer des « prisons ouvertes », moins coûteuses et surtout préparant mieux les détenus à leur réinsertion. La ministre de la Justice doit dévoiler les détails de ce plan ce mercredi. Sera-t-il à la hauteur des enjeux ?

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