Pourquoi l'Arabie saoudite est incohérente
par lejdd
LE GRAND ANGLE DIPLO - François Clemenceau, rédacteur en chef au JDD, revient, à l'occasion de son Grand angle diplo de la semaine, sur l’ambiguïté de l'Arabie saoudite, qui organise des élections locales prochainement. www.lejdd.fr/International/Moyen-Orient/VIDEO-Pourquoi-l-Arabie-saoudite-est-incoherente-762745 Qu’il s’agisse des accusations de complicité avec les terroristes ou sa politique en matière de droits de l’homme, ce n’est pas avec des élections locales ouvertes pour la première fois aux femmes le 12 décembre que le royaume saoudien parviendra à faire oublier au reste du monde qu’il est passé maître dans la politique de l’ambiguïté. Des femmes qui votent et qui sont même éligibles dans un pays où elles n’ont toujours pas le droit de conduire ou de se promener seules, qui ont pu mener un semblant de campagne du fait de la non-mixité de l’espace public, il s’agit malgré tout d’un pas positif et il faut le restituer dans son contexte. L’Arabie Saoudite reste un Etat profondément conservateur qui est à la fois menacé par un rigorisme religieux wahhabite dont la famille régnante se doit d’être l’incarnation, tout en si inspirant la crainte au sein d’une minorité chiite qui n’en peut plus de vivre dans la marginalité. Mais le royaume est surtout menacé par le terrorisme djihadiste de Daech ou d’al-Qaida qui voient à travers le roi et ses princes des dirigeants corrompus par l’Occident. Comment dès lors défendre la nécessaire modernité du royaume pour s’adapter à son temps, comment diversifier une économie où l’on peine à imaginer l’après-pétrole, comment également maintenir l’unité des royaumes du Golfe devenus rivaux face à l’hégémonie régionale iranienne et ses satellites chiites? Personne n’ira plaindre l’Arabie Saoudite qui doit assumer ses choix. Si elle a soutenu les islamistes dans les années 1980 en Afghanistan et financé leur expansion en Afrique dans les années 1990 et 2000, le djihadisme terroriste s’est retourné contre elle et le royaume est prise à son propre piège. Un acteur pragmatique C’est ainsi qu’il est pleinement engagé, singulièrement auprès de l’Egypte du maréchal Sissi, contre l’islam politique et les Frères Musulmans, mais également militairement contre l’Iran et ses milices chiites au Yémen voisin ; et via des groupes armés islamistes comme Ahrar al Sham en Syrie. Au Liban, c’est Ryad qui a payé trois milliards de dollars pour que l’armée libanaise se dote d’armes afin de résister à la poussée de Daech à la frontière syrienne. C’est également l’Arabie qui a été choisie par la Conférence de Vienne sur l’avenir de la Syrie pour héberger les grands travaux de l’opposition syrienne afin qu’elle se dote d’une plateforme de négociation avec le régime syrien. En acceptant que l’Iran se joigne aux discussions de Vienne, Ryad a fait montre de pragmatisme, là aussi, c’est un progrès. Naturellement, vu de loin et dans le flou des amalgames, on peut se dire que l’horreur qu’incarne Daech ressemble à celle que peut inspirer l’Arabie Saoudite avec ses décapitations et ses flagellations. Mais le royaume saoudien est un acteur avec qui l’on peut négocier, sur lequel on peut faire pression et qui sait faire preuve d’un certain pragmatisme dès qu’il s’agit de défendre ses intérêts.
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