Nicolas Bouzou: «Face à l’inflation, les entreprises doivent augmenter les salaires au maximum»
par Lopinionfr
Le taux de chômage est quasi stable au premier trimestre 2022 à 7,3% de la population active en France (hors Mayotte), son plus bas niveau depuis 2008, contre 7,4% au dernier trimestre 2021, selon les chiffres publiés mardi par l'Insee. Des nouvelles trop bonnes pour durer ? « On tire les bénéfices de réformes entreprises il y a longtemps, depuis la rupture conventionnelle de Sarkozy jusqu’aux ordonnances Pénicaud, en passant par les lois El Khomri, explique Nicolas Bouzou, économiste et directeur du cabinet de conseil Asterès. Or il y a une composante conjoncturelle qui nous fait entrer dans la stagflation, donc les créations d’emplois devraient ralentir. (...) On a deux chocs qui sont forts : le choc pandémique, qui n’est pas terminé, et la guerre en Ukraine qui accentue les problèmes d’approvisionnement sur les matières premières. On en revient, comme dans les années 1970, à un choc qui déclenche une inflation durable, et une activité qui décroît. »Dans ce contexte, quels leviers actionner pour redresser l’économie ? « Il faut faire d’autres réformes, prescrit Nicolas Bouzou. Par exemple, il faut qu’on donne aux entreprises la capacité à former directement, sans passer par le circuit traditionnel de la formation continue afin d’aller très vite. »Le recours au blocage des prix pour juguler l’inflation et préserver le pouvoir d’achat des ménages fait débat. « C’est complètement stupide, assène Nicolas Bouzou, car en bloquant les prix, on accentue les pénuries, donc les causes de l’inflation. Il faut dès cet été aider les gens qui en ont le plus besoin, sans conditions. (...) Pour lutter contre la stagflation, une politique de la relance aggrave les problèmes. Le seul moyen de faire, c’est de renforcer l’offre : travailler plus, faire des gains de productivité, investir, etc. Il faut également augmenter les salaires au maximum de ce que les entreprises peuvent faire. Mais elles ne doivent pas faire des évolutions de salaires qui vont au-delà de leurs gains de productivité, sinon elles devront augmenter leurs prix et on entrera dans une spirale inflationniste. »Quelles doivent être les priorités de la nouvelle Première ministre, Elisabeth Borne ? « Mon obsession économique, c’est la maîtrise des technologies et de l’innovation, confie Nicolas Bouzou. Cela passe par un changement d’optique : on a beaucoup arrosé les petites entreprises, on doit maintenant se concentrer sur les plus grosses, celles qui sont capables d’avoir une capitalisation boursière de plusieurs dizaines de milliards d’euros. On n’a toujours pas d’acteurs de ce type en Europe », regrette l’économiste.
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