Néonicotinoïdes: une loi et après ?
par Lopinionfr
Les néonicotinoïdes étaient interdits depuis 2018 en France, mais une invasion de pucerons et une épidémie de jaunisse de la betterave, qui met en danger toute la filière sucrière française, ont imposé un délai supplémentaire. Les betteraviers pourront potentiellement utiliser des néonicotinoïdes jusqu’en 2023 de façon dérogatoire. « On est tous contre, mais aujourd’hui il n’existe pas d’alternative », a expliqué le ministre de l’agriculture Julien Denormandie. Et maintenant ? C’est une course contre la montre qui s’est engagée pour trouver des alternatives aux néonicotinoïdes. Les solutions qui existaient avant ont été interdites. On est donc à zéro. Et s’il n’y a pas de solution en 2023, ce qui est un délai extrêmement court en termes d’expérimentation scientifique sur une matière vivante, tributaire des cycles de culture, la filière mourra. 7 millions d’euros sur trois ans sont mobilisés pour plusieurs axes de travail. L’Inrae et l’Institut technique de la betterave sont à la manœuvre. D’abord, établir, avec du big data, de l’analyse, ce qui provoque ou empêche potentiellement la diffusion des maladies. Et aussi mieux les comprendre. Parce que des maladies de la betterave, il y en a en fait quatre différentes. Ensuite, identifier des solutions. Peut-être du biocontrole, de nouveaux produits. Il faut bien comprendre que la solution sera difficile à trouver car composite. Et c’est là qu’intervient le projet Aker, actif depuis 2012, qui vise à sélectionner des espèces de betteraves résistantes aux maladies. Nous avons un handicap : les nouvelles technologies d’édition du génome des plantes, qui pourraient permettre de gagner un temps considérable… Mais elles sont absurdement entravées par la réglementation européenne sur les OGM… On se prive d’un levier fantastique de réduction des pesticides. Autre chantier : comprendre comment le paysage, les plantes compagnes, peuvent aider à réguler les invasions de puceron. On a beaucoup présenté cela comme une solution opérationnelle : la vérité est que c’est encore balbutiant. Les premiers résultats concrets : pas avant 2023. Et puis, il y aura, en parallèle, un travail économique, sur la viabilité de ces axes de travail. Qu’est-ce qui est acceptable, absorbable en termes de coûts, pour la filière. En résumé, un chantier de fond qu’il aurait sans doute fallu entreprendre, en le bornant, en lui imposant des points d’étape, avant d’interdire les néonicotinoïdes abruptement et sans se soucier des conséquences. Une leçon aussi : car les filières qui se retrouvent dans des impasses techniques à cause d’interdictions sèches de traitement sont nombreuses. On peut penser au colza par exemple. Il est crucial de ne plus reproduire ces erreurs, car, filière perdue après filière perdue, c’est notre indépendance alimentaire chèrement acquise qui se détricote.
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