Marion Van Renterghem (biographe): «Angela Merkel a symbolisé la prospérité allemande»
par l'Opinion
Les sociaux-démocrates ont devancé d’une courte tête les conservateurs (CDU) lors des élections législatives allemandes. Angela Merkel continuera à diriger le pays en attendant la formation d’un nouveau gouvernement. Sa biographe française, Marion Van Renterghem, auteure de C’était Merkel retrace son parcours et décrypte ses 16 années à la chancellerie Comment a débuté la carrière d’Angela Merkel jusqu’à son accession à la chancellerie ? Sa carrière a commencé complètement par hasard parce que si le mur n’était pas tombé, elle serait encore chercheuse en chimie quantique à Berlin-Est. Donc c’est vraiment un événement énorme qui a radicalement changé sa vie puisque tout d’un coup, alors qu’elle n’avait jamais été ni dissidente ni imaginé que l’Allemagne de l’Est cesserait d’exister, elle a été fascinée par ce nouveau monde qui s’offrait à elle et elle est entrée en politique à cause de ça et par une succession de hasards elle s’est retrouvée dans la CDU, elle aurait tout à fait pu aller dans un autre parti. Et très vite elle est montée en grade jusqu’au résultat qu’on sait. Angela Merkel est au pouvoir depuis 2005. Comment expliquer cette longévité ? Il y a beaucoup de raisons mais l’une d’entre elles, et peut-être d’ailleurs ce qui lui est reproché, c’est qu’elle n’a pas fait grand-chose, elle a essentiellement incarné son pays. Angela Merkel n’est pas une réformatrice, elle a bénéficié des grandes réformes fondamentales sur la loi du travail qui avaient été mises en place par son prédécesseur social-démocrate Gerhard Schröder. L’Allemagne est passée de l’homme malade de l’Europe, c’est comme ça qu’on l’a caractérisé au début des années 2000. L’Allemagne était quand même très en retard, même par rapport à la France, elle sortait de la réunification, il y avait beaucoup de chômage, une croissance faible. L’Allemagne est devenue la première puissance économique européenne, une grande puissance mondiale, la quatrième ou cinquième puissance mondiale. C’est ça qui explique la longévité d’Angela Merkel, c’est qu’elle incarne, elle est devenue le symbole de la prospérité allemande pendant 16 ans, qu’elle s’est mise à rassembler aux Allemands et qu’elle leur a apporté ce qu’ils attendent finalement le plus, c’est-à-dire la stabilité. Elle leur a donné confiance, elle les a rassurés, et elle a changé l’image de l’Allemagne dans le monde aussi par son style, le fait que c’est quelqu’un qui est très apprécié par ce style immuable, cette absence de vanité, cette stabilité qu’elle a de sa propre personne, a plu aux Allemands. Au point que si elle s’était représentée pour un cinquième mandat, ce dont elle ne voulait pas, à aucun prix, elle aurait sans doute été réélue. Ce qui est quand même admirable au bout de 16 ans. Angela Merkel a connu Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron. Comment a évolué sa relation avec les présidents français ? Angela Merkel, une de ces caractéristiques, c’est quelqu’un d’extrêmement sérieux et dont le sens du devoir et du travail passe avant tout, elle n’est pas fille de pasteur pour rien. Donc elle est capable de travailler avec tout le monde dans la mesure où il faut effectuer ce travail. Maintenant c’est vrai que la relation humaine est quand même importante. Donc elle a vu défilé ces quatre présidents français qui ont tous des personnalités extrêmement différentes. Avec Jacques Chirac elle était un peu neuve sur la scène internationale et il l’a prise un peu sous sa coupe et de manière un peu paternaliste mais elle n’a pas vraiment eu le temps de travailler avec lui. C’était surtout le couple Merkel - Sarkozy qui avait beaucoup frappé parce que c’était des tempéraments totalement contraires. Et puis après il y a eu Hollande et Macron. Je pense que c’est quand même avec Macron qu’elle s’entend le mieux même s’il y a eu des heurts et des frictions au début, elle n’était notamment pas prête à entendre le discours européen particulièrement ambitieux d’Emmanuel Macron qu’il avait énoncé au moment du discours de la Sorbonne peu de temps après son arrivée au pouvoir. Elle n’était pas prête à le recevoir politiquement parce qu’elle était embarrassée, elle avait été mal élue pour son quatrième mandat, elle était en train de constituer sa coalition difficilement. Mais en plus, l’Allemagne n’était pas prête non plus à un discours trop européen. Mais en plus, l’Allemagne n’était pas prête non plus à un discours trop européen et ça a été le cas après avec Emmanuel Macron, ce sont les crises qui rassemblent les présidents français et allemands, qui ont forcément toujours des intérêts différents à défendre mais qui savent que l’un à besoin de l’autre et que l’Europe se fait avec eux. Mais ce sont en général les moments de crise qui commencent par des crispations et qui se terminent par des accords et finalement des avancées. C’était particulièrement spectaculaire avec Emmanuel Macron et ce plan de relance.
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