Pour cette dernière chronique, vous voulez revenir sur les grandes tendances de la complosphère mondiale.
j’aimerais commencer par la plus évidente, c’est la mondialisation de l’offre complotiste, qui a été rendue possible essentiellement grâce à la popularisation des plateformes sociales et qui a été particulièrement accélérée par la pandémie de covid. Et cette mondialisation a été une véritable opportunité historique pour de nombreux acteurs, notamment ceux qui cherchent à profiter du caractère ouvert de nos sociétés. Ça va des états autoritaires aux groupes extrémistes qui ont pu travailler nos opinions publiques quasiment sans contrainte. À quoi s’ajoutent évidemment les algorithmes qui ont profondément aggravé la situation, en gonflant artificiellement la visibilité de leurs contenus.
Ce marché globalisé a aussi eu un impact sur les contenus…
Oui parce que lorsque certaines théories complotistes atteignent une viralité mondiale - on pense à certaines théories liées au Covid par exemple - elles ont tendance à s’adapter au contexte des pays dans lequel elles circulent.
Il y a une sorte d’hybridation qui s’opère. Et pour une même référence complotiste, on aura différents variants suivant le lieu où l’on se trouve. Si on imagine un complot des élites mondiales, on aura tendance à y associer du Hillary Clinton aux États-Unis, et du Jacques Attali en France.
Ensuite, ce marché global est constamment alimenté par des théories qui ont fait leurs preuves localement. Lorsqu’une théorie complotiste atteint un seuil viral significatif dans un pays, elle peut basculer sur le marché mondial.
Et on se retrouve avec une sorte de sélection naturelle locale qui vient nourrir en continu l’offre complotiste globale.
Et ce flux continu a des conséquences aussi sur la façon dont on consomme ces théories complotistes.
Oui et c’est probablement à mes yeux l’un des aspects les plus intéressants. Alors que pendant des années le complotisme semblait essentiellement se développer en silos, je veux dire par là, que les communautés complotistes étaient surtout cantonnées à des thématiques spécifiques, comme les attentats du 11 septembre, ou le covid. Aujourd’hui on est en train de basculer de plus en plus, dans ce que je qualifierais de complotisme de flux, c’est-à-dire un complotisme sans véritable corpus, mais qui se nourrit des séquences d'actualité du moment. Et on passe alors des vaccins à l’Ukraine, de la variole du singe au climat, sans rester sur une thématique précise.
Enfin et je termine là-dessus, ce marché global de l’offre complotiste est étroitement indexé à la faiblesse de nos démocraties. Plus elles vont mal, mieux il se porte. Et vu l’état actuel du monde, je crois qu’on peut tous se souhaiter sincèrement bonne chance.
Retrouvez « Antidote » par Tristan Mendès-France tous les vendredi à 8h50 et sur le site de France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/antidote
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