Le grand angle diplo : où est passée l’Angleterre?
par lejdd
François Clemenceau, rédacteur en chef du service "International" du JDD, décrypte chaque semaine les photos de l'actualité mondiale ou de ses coulisses. Cette semaine, il revient les élections au Royaume-Uni. 1/Nous sommes à six semaines de l’élection générale au Royaume Uni, un scrutin qui sera déterminant pour l’avenir de l’Union européenne et pourtant, l’impression générale est que la politique britannique est de moins en moins visible à l’extérieur comme si c’était un signal précurseur d’une prise de distance progressive de la Grande Bretagne vis-à-vis de l’Europe. A partir de ce jeudi 26 mars, les premiers débats télévisés vont voir s’opposer les chefs des grands partis britanniques. Le premier ministre David Cameron ne veut toujours pas débattre face à face avec son adversaire travailliste Ed Miliband mais finira peut-être par le faire s’il sent qu’il perd la main. Car si les britanniques devaient voter demain, les sondages indiquent que les conservateurs feraient jeu égal avec les travaillistes avec pour chacun un tiers de l’électorat environ. Le grand changement par rapport à 2010, c’est que les libéraux démocrates qui avaient aidé le parti de David Cameron à gagner une majorité de coalition avec 23% il y a cinq ans, ne sont plus qu’à 7-8% aujourd’hui. Ce serait toujours suffisant pour gouverner mais beaucoup moins facile, surtout si David Cameron tenait sa promesse d’organiser un referendum sur le maintien du Royaume Uni dans l’Union Européenne d’ici 2017. Car les libéraux démocrates sont franchement hostiles à cette idée. 2/L’autre grande différence par rapport à 2010 tient au bond magistral du parti populiste anti-européen UKIP de Nigel Farage. Il était à 3% il y a cinq ans, il est aujourd’hui crédité de quatre fois plus. Et donc la question de l’Europe se pose avec évidence. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement conservateur vient de présenter son budget pour 2016 en mettant l’accent sur les succès de l’économie britannique. En dénigrant le travaillisme à la française, David Cameron se vante d’une croissance à 2 et demi pour cent, d’un chômage en forte baisse et d’un déficit public, plus important que le nôtre, mais clairement en régression à force de tailler dans les dépenses de santé et les subventions. Lorsqu’un parti comme UKIP et une bonne partie des conservateurs europhobes prennent prend tant de place dans la vie politique, il n’est pas surprenant de constater que le Royaume Uni devient presque invisible en Europe et sur la scène internationale. Cela se voit clairement en ce moment sur la question cruciale de la Grèce mais aussi dans le dossier de l’Ukraine face à la Russie et enfin au Moyen Orient. Même les Etats-Unis finissent par négliger celui qui était encore il y a quelques années leur allié N°1 en Europe. 3/Tout cela est inquiétant. Inquiétant pour l’Europe dont l’économie globale et la politique étrangère ne se jouent plus désormais qu’à Paris, Berlin et Rome. Inquiétant pour le Royaume Uni lui-même qui à force de se replier sur lui-même, perd en influence. A moins que Cameron soit persuadé qu’une fois réélu, ce qui n’est pas certain, il obligera l’Europe à changer pour être plus au goût de ses concitoyens.
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