La politique en coulisses : Pourquoi Valls a le moral

par lejdd

LA POLITIQUE EN COULISSES - Dominique de Montvalon, rédacteur en chef au Journal du Dimanche, décrypte l'actualité politique. Cette semaine, il s'intéresse au mystère Manuel Valls. http://www.lejdd.fr/Politique/Pourquoi-Manuel-Valls-a-le-moral-770477 Manuel Valls est un mystère. D’abord, parce qu’il se porte bien quand la gauche, divisée, se porte mal. Ensuite parce qu’il vante la "cohérence" de son gouvernement, tel un absolu, sans paraître se soucier outre mesure des ministres pourtant talentueux qui, les uns après les autres, quittent l’embarcation. Enfin, parce que, tout Premier ministre qu’il soit, on l’entend tenir -par exemple jeudi à Matignon- des propos dignes d’un président : "C’est l’avenir de la France qui me préoccupe, pas l’avenir de la gauche". Il y a deux mois encore, le chef du gouvernement -nerveux, tendu- s’interrogeait sur l’espace vital dont il disposerait jusqu’en 2017. Soudain, tout a changé. Le chef du gouvernement apparait comme libéré. Pas seulement parce que Christiane Taubira a choisi de s’en aller. Pas seulement parce que les derniers arbitrages présidentiels vont dans le sens de ce qu’il souhaitait : ne sous-estimer pour rien au monde la menace terroriste, déverrouiller l’économie, avancer groupé au sein de l’équipe gouvernementale. En faisant taire les solistes, donc ceux qui cultivent à l’excès –c’est Valls qui parle- le "narcissisme". Si Manuel Valls est apparu jeudi particulièrement à l’aise dans ses… rangers, c’est pour une raison plus essentielle: pour la première fois, dirait-on, il a le sentiment, dans la guerre idéologique historique qui divise et parfois déchire la gauche, d’avoir marqué des points. Les idées qu’il défend sont-elles, à gauche, devenues majoritaires? Non. Mais elles ne sont plus aussi minoritaires que lorsque Michel Rocard, sa référence historique, les portait. Une gauche rocardienne –décrite du temps de Mitterrand comme la "deuxième gauche"- qui juge que la sécurité est la première des libertés. Une gauche qui défend l’autorité de l’Etat dans ses fonctions régaliennes, et n’est pas loin de penser, pour le reste, que cet Etat ne doit pas être "obèse". Une gauche non-marxiste et réformiste qui veut "déverrouiller" l’économie, ou plutôt, pour ne vexer personne, "continuer à (la) déverrouiller". Une gauche qui croit qu’il y a et qu’il y aura toujours une gauche et une droite mais qu‘on a (à tous points de vue) changé de monde, et que les vrais clivages sont aujourd’hui ailleurs. Venger Michel Rocard Bref, la clé du "mystère Valls", c’est donc que l’homme a le sentiment d’être en train de gagner aujourd’hui la bataille des idées et, en quelque sorte, de venger Rocard. Et si la deuxième gauche d’avant-hier devenait effectivement après-demain la 1ère gauche? Fait significatif: Valls, intransigeant défenseur de la République et de la laïcité, signe aujourd’hui la préface d’un livre de Gilbert Grellet consacré à la guerre d’Espagne et, je cite, au "scandale de la non-intervention" puisque ce fut le choix, entre autres, de Léon Blum et du Front populaire. Et le Premier ministre d’énumérer les leçons qu’il en tire: devoir de lucidité, intransigeance, appel à la vigilance. Avec cette phrase qui ne doit rien au hasard : "Il y a des idées desquelles on peut débattre, mais il y a des principes avec lesquels on ne peut transiger. Ce sont nos principes républicains". Pas de tabou, et un rappel à l’ordre ou plutôt à l’Histoire: du pur Valls.

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