La politique en coulisses : la course au "premier parti de France", un trompe l’œil!
par lejdd
Dominique de Montvalon, rédacteur en chef au Journal du Dimanche, décrypte l'actualité politique. Cette semaine, il revient sur la course au "premier parti de France", à l'occasion des élections départementales. http://www.lejdd.fr/Politique/La-course-au-premier-parti-de-France-un-trompe-l-oeil-724942 Sur la foi des sondages, le Front national s’était fixé comme objectif, lors des élections départementales, d’être "le premier parti de France". Eh bien, c’est raté. D’abord, le premier parti de France, ce sont les abstentionnistes. Les abstentionnistes structurels, ceux qui ne se sentent ni concernés ni représentés, et ne votent jamais ou presque jamais. A eux se sont ajoutés les abstentionnistes conjoncturels, c’est-à-dire ceux que le scrutin départemental a découragés : voter, pour quoi faire? Ensuite, si la qualité de "premier parti de France" avait, le 22 mars, le moindre sens, le titre reviendrait ponctuellement à l’UMP. Une UMP forte, il est vrai, de son alliance avec les centristes de l’UDI. Les amis de Marine Le Pen sont donc tombés de haut en s’abandonnant aux sondages. Des sondages qui, après les avoir longtemps sous-estimés, les ont cette fois surestimés. Certes, depuis dimanche soir, le FN est solidement enraciné. Et ses indéniables succès ouvrent une ère nouvelle : celle du tripartisme PS-UMP-FN. Pour autant, les populistes - malgré leurs aptitude à regrouper tous les anti-système, ceux d’extrême-droite comme ceux d’extrême-gauche - ne sont pas, aujourd’hui, le premier parti de France. Pour la suite, on verra. Le FN rêvait pourtant de ce titre. Un titre que revendiquait le parti communiste à la Libération. Un titre que revendiquait, ou peu s’en faut, Charles Pasqua lors de la création du RPR en 1976, à l’époque où il s’agissait pour les chiraquiens de faire peur à Giscard. La question qui se pose est cependant la suivante : l'objectif dêtre "le premier parti de France"a-t-il aujourd’hui un sens? Est-ce que cela a un sens quand les partis politiques – pourtant nécessaires à la démocratie - sont à ce point discrédités? Surtout, est-ce que cela a un sens dans une société diverse et complexe, où l’idée sinon du parti unique, en tout cas du parti qui tranche de tout, apparaît comme d’un archaïsme absolu? L’avenir, c’est la coalition Sans doute toute majorité a-t-elle besoin de s’articuler autour d’un parti fort, où on ne se querelle pas en permanence, où l‘on respecte le vote majoritaire quand il a eu lieu, où l’on n’oublie pas que le pouvoir, au bout du compte, est à l’Elysée – et pas au Parlement comme sous la IVème République. Cela dit, à gauche comme à droite, une majorité n’est pas ou plus le parti unique. C’est un rassemblement, un ensemble de compromis, une coalition. C’est grâce à cela que De Gaulle, Mitterrand puis Chirac ont pu et su gouverner jadis. Et c’est grâce à cela que François Hollande sera peut-être réélu en 2017 s’il parvient à faire comprendre au PS et ses alliés – coalition aujourd’hui totalement éclatée - que sans l’union, c’est la mort. Et la mort pour tous. Même chose d’ailleurs pour l’UMP de Nicolas Sarkozy qui ne peut pas espérer gagner seule et encore moins gouverner seule. L’idée du "premier parti de France" - qui suggère vaguement l’idée du parti unique - est donc une idée courte, et même dépassée. En revanche, la coalition - du type allemand par exemple - c’est l’avenir. A condition, bien sûr, que la coalition soit cohérente. Alors, pourquoi Marine Le Pen a-t-elle joué avec cette idée de "premier parti de France"? Pour afficher sa force et mobiliser ses troupes? Sans doute. Par vanité personnelle? On ne l’exclura pas. Mais surtout pour une bonne raison : camoufler le fait que le Front national, en l’état, n’a aucun allié. Alors, une coalition demain, de toute façon, ce n’est pas pour lui.
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