Dimanche 13 heures. C'est le jour J. Dans les tribunes de béton gris, des chauffeurs de taxis, des ouvriers, des éleveurs, des amateurs de chevaux. Tous sont venus jouer ou passer un bon moment entre amis. L'ambiance est masculine et le propos souvent fleuri. En somme, un champ de course entre habitués.
Dans un bâtiment adjacent se niche le carré VIP. Attablés derrière les vitres, des généraux à la retraite, des hommes politiques, des hommes d'affaires et même une ou deux dames en escarpins. L'ambiance est plus feutrée mais pas moins assidue. Des écrans de télévision permettent de suivre les courses sous quatre angles différents et même de suivre la course qui se déroule sur l'hippodrome de Longchamp, en France. Au même étage, se trouve un restaurant où l'on peut déjeuner en regardant la course.
Ce dimanche, sept courses sont au programme du grand prix de l'association des propriétaires de chevaux, le "Trophée Henri Pharaon". Quelques minutes avant la première course, les chevaux entrent dans le rond de présentation. Les parieurs sont agglutinés le long des barrières. Pendant que les chevaux partent vers la piste, les derniers parieurs se ruent vers les guichets, alors que les autres se dirigent vers les tribunes.
Quand les chevaux sont tous entrés dans la boîte de départ, certains plus difficilement que d'autres, les aficionados sont dans les tribunes. Le compte à rebours est lancé. C'est parti !
Dans les tribunes, la plupart des parieurs sont debout. Après le premier virage, le ton monte. Au deuxième, les parieurs descendent vers la barrière. Les cris, insultes et encouragements de toutes sortes volent.
Dans le lounge privatif, l'ambiance est un peu plus calme. Nabil Nasrallah, le directeur de l'hippodrome, fait sa tournée. Il salue les amateurs de chevaux un à un, mais n'est pas très satisfait de la faible affluence. "Nous avons un grand prix aujourd'hui, normalement il devrait y avoir beaucoup plus de monde, indique-t-il. Les derniers événements sécuritaires survenus à Beyrouth ont certainement découragé beaucoup d'amateurs de chevaux".
Dès la fin de la première course, les parieurs se préparent pour la deuxième, puis la troisième...
Du haut du balcon qui surplombe l'espace de pesage des chevaux, M. Nasrallah surveille son petit monde.
Dans le rond de présentation, les jockeys présentent les chevaux qui vont courir la course du grand prix. L'excitation monte d'un cran. Les chevaux partent vers la piste, entrent dans les stalles de la boîte de départ, puis s'élancent pour deux tours de piste.
Au moment où Four Seasons passe le poteau devant ses concurrents, un jeune homme en sandales de plastique saute au-dessus de la balustrade qui sépare la piste des tribunes, enlève son tee-shirt, le fait tourner au dessus de sa tête, puis se rue vers le milieu de la piste en enchaînant les sauts de cabris sur la terre ocre. Il travaille pour l'écurie de Fouad Sfeir qui vient de remporter la course. Dans les tribunes, les perdants ont déjà tourné les talons en lâchant des "de toutes les manières, c'était joué d'avance".
Il reste encore une course. L'après-midi touche à sa fin. Le soleil couchant caresse une dernière fois les bougainvilliers de l'hippodrome.