L’ambition climatique de Joe Biden contrariée par des résistances politiques et culturelles
par Lopinionfr
« America is back » ! Après avoir rejoint l’Accord de Paris le premier jour de son mandat, Joe Biden voudrait maintenant apparaître comme le chef d’orchestre de la diplomatie climatique, et redorer le blason des États-Unis, entaché par Donald Trump. Mais la route sera longue. Car malgré l’optimisme et l’ambition affichés par la nouvelle nouvelle administration, elle devra surmonter certaines croyances et composer avec les résistances intérieures du pays. Pour détailler ces aspects contraignants, nous avons posé quelques questions à l’historienne Maya Kandel, spécialiste des Etats-Unis : - Qu’appelle-t-on concrètement « plan climat de Joe Biden » ? Quel montant cela représente ? Quelle part du PIB ? Comment est-il financé ? Comment est-il fléché ? - Depuis son élection, Joe Biden affiche son volontarisme sur le volet climatique (retour dans les Accords de Paris, moratoires sur l’octroi de concessions pétrolières et gazières, accompagnement des employés du pétrole, modernisation des infrastructures…). Néanmoins, cette politique visant à réduire les émissions de GES reste chez lui consubstantielle à la logique du America First : il s’agit, par d’autres moyens que ceux de son prédécesseur, de servir en priorité les intérêts des Américains. Alors comment entend-il articuler son ambition en matière climatique avec le « retour » de la grandeur des Etats-Unis sur la scène internationale ? - On répète souvent que pour contenir le réchauffement climatique, nous devons avoir un pied sur l’accélérateur – investir dans le renouvelable, pour le dire vite – et l’autre sur la pédale de frein – sortir des énergies fossiles et décarboner nos modes de vie. Or c’est vraisemblablement sur cette deuxième pédale que le Président américain ne semble pas prêt à appuyer (accords de concessions pétrolières et gazières ainsi que de nouveaux forages pétroliers en Alaska, refus de fermer l’oléoduc Dakota Access...). Pouvez-vous nous détailler ces mesures qui vont dans le sens du maintien des énergies fossiles ? - On entend beaucoup – en Europe, principalement – qu’une politique climatique sérieuse et efficace ne pourra faire l’économie d’une réduction drastique de notre consommation énergétique ni d’une transformation qualitative de nos modes de vie. Ce que ne semble pas prêt à promouvoir Joe Biden, qui privilégie par exemple le développement massif de la voiture électrique à celui des transports en commun. A l’instar de John Kerry, qui a déclaré que «50% des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre la neutralité carbone proviendront de technologies qui restent encore à inventer», peut-on considérer le président des Etats-Unis prisonnier d’un prisme techno-solutionniste ? - A la décharge du Président, ses marges de manœuvre politiques sont étroites pour mettre en œuvre son programme climatique. Auprès de l’opinion publique d’abord, au moins autant réceptive au discours sur l’indépendance énergétique des Etats-Unis qu’au discours sur le réchauffement climatique. Mais aussi et surtout au Congrès, où les Républicains ne veulent pas entendre parler d’un prix du carbone, et où les démocrates ne sont pas assurés de rester majoritaires très longtemps. Finalement, les obstacles à la réalisation des objectifs climatiques américains ne sont-ils pas plus politiques que techniques ?
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