Kobanê : Il Était une Fois, la Libération
Quel soulagement ! Alors qu’ils se battaient contre les « gangs de Daesh », les combattant(e)s Kurdes ont réussi à reprendre l’intégralité des points stratégiques de Kobanê, cette petite ville du Kurdistan Syrien assiégée par l’Etat islamique depuis 134 jours. À 4200 km du front, à Paris, la diaspora Kurde s’est réunie samedi 31 janvier pour fêter la libération place de la République. Une victoire qui débouche sur des revendications politiques.
Le rendez-vous était fixé à 14h place de la république. À l’arrière d’un vieux camion blanc garé sur la place, des dizaines de drapeaux entassés et encore enroulés attendent que des manifestants s’en emparent. C’est d’ailleurs à l’arrière du véhicule que l’on comprendra tout le sens de ce rassemblement.
Des drapeaux, un contexte
Le drapeau qui part le plus vite et qui vient barioler le rassemblement, c’est le fanion triangulaire vert à étoile rouge du YPJ (les unités féminines de protection du peuple). Branche armée du PYD (le Parti démocratique kurde), les guerrières du YPJ représentent 40% des effectifs à s’être battus contre Daesh à Kobanê et sont aujourd’hui la fierté des centaines de Kurdes venus assister au rassemblement Parisien. Des combattantes qui désormais représentent bien plus que la résistance... En prenant les armes, ces filles – souvent très jeunes – sont devenues le symbole de la lutte pour la liberté des Femmes (premières victimes de l’idéologie de Daesh) et apportent à elles seules la preuve politique que les Kurdes aspirent en plus de leur autonomie territoriale à une société démocratique prônant l’égalité homme-femme. Car si la politique était au cœur du combat elle est omniprésente dans ce rassemblement Parisien. En témoigne un deuxième drapeau qui vient ajouter du bleu et du jaune à cette place de la République plongée dans la grisaille de ce samedi d’hiver.
Cet autre drapeau, laisse découvrir un visage. Celui d’Abdullah Öcalan dit “Apo”, le fondateur du PKK (le Parti des Travailleurs Kurdes) considéré comme un groupe terroriste par l’Union Européenne, la Turquie et les États-Unis. Parti d’inspiration marxiste-leniniste, comme en témoigne d’autres étendards rouges flanqués d’une faucille et d’un marteau, le PKK a lui aussi contribué à la libération de Kobanê grâce à l’envoi sur place de combattants Peshmergas, affiliés au Parti. Qu’on se le dise, aujourd’hui, on ne faite pas qu’une simple victoire contre la barbarie de Daesh.
Kobanê, l’argument des reconnaissances.
En se plaçant comme les alliés du Monde dans leur combat contre l’État islamique, les Kurdes présents sur la place de la République sont bien conscients d’avoir là une carte à jouer. En effet, les discours qui s’enchainent au micro parlent évidemment de la réussite militaire sans oublier de rendre hommage aux victimes, mais laissent par ailleurs vite comprendre que la victoire de Kobanê n’est qu’une première étape. Maintenant que les gangs de l’EI sont repoussés, le combat continue avec en second plan la demande officielle de la reconnaissance de l’autonomie du canton de Rojava, autrement dit le Kurdistan Syrien. Une demande scandée avec force tant par les représentants des diverses associations Kurdes présentent dans le rassemblement que par la diaspora, à l’unisson avec quelques manifestants d’origine française et de sensibilité d’extrême gauche venus eux aussi célébrer la victoire de la petite ville Kurde, alors inconnue du grand public il y a encore quelques mois.
Enfin, et c’est peut-être là la revendication majeure du rassemblement, la demande de retrait de la liste des organisations terroristes du PKK. Une reconnaissance qui depuis a fait son bout de chemin dans les mentalités politiques occidentales (en témoigne notre récent reportage « En direct avec la résistance de Kobanê ») puisque si tel n’avait pas été le cas, des centaines d’arrestations pour « apologie du terrorisme » seraient tombées ce samedi, place de la République.
Fièvre du samedi soir
Dès 15h, c’en est fini des discours : place à la fête jusqu’aux derniers rayons de soleil. Deux musiciens kurdes armés d’instruments orientaux alignent chants et solos sur fond de musique électronique populaire… Une musique qui selon les gouts (et en l’occurrence les miens) à su allier le kitsch absolu au délire synthétique jovial et surtout bien venu ! La foule entière se prend soudainement par la main et la magie opère. Tout un pan de la place portant encore les stigmates des manifestations de soutien à Charlie Hebdo se transforme en dancefloor kurde où s’improvise une immense ronde à trois niveaux. Pour une fois cette année, les kurdes n’ont pas pu « résister ».
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