Au moins 38 % des cyclistes Français sont déjà passés au rouge, dans une situation où cela leur était totalement interdit, selon une enquête Ipsos menée en 2022. Une course contre le temps pour tenter de grappiller une poignée de minutes, voir de secondes, sur son trajet qui expose à des risques considérables… Et à une amende de 135 euros.
Passer alors que le feu est rouge fait-il une vraie différence sur un parcours en milieu urbain ? Nous avons fait le test rue de Rivoli. Avec sa trentaine de feux pour les cyclistes, cette rue longue d’un peu plus de 2 km est le terrain idéal pour y mener notre expérience. Nous y avons suivi Alain, un vélotafeur d’une vingtaine d’années, qu’aucun feu rouge, orange ou vert ne semble pouvoir arrêter. Si lui, comme à son habitude, grille les feux rouges comme si aucun d’entre eux n’existait, nous avons, pour notre part, scrupuleusement respecté le code de la route. Sans surprise, c’est lui qui arrive en premier à notre point de rendez-vous. Il aura mis six minutes, soit environ quatre minutes de moins que nous. « Je ne pense pas que ça vaille le coup », reconnaît la tête brûlée en confiant avoir eu l’omoplate cassée dans un accident quelques semaines plus tôt. « On n’est jamais à l’abri d’une voiture qui déboule à pleine vitesse », ajoute-t-il en expliquant griller les feux par « habitude » et par excès de confiance. Au-delà d’une course contre le temps, si les feux rouges ne sont pas respectés par une partie des cyclistes, c’est surtout parce qu’ils ne sont pas « crédibles », juge Marion Soulet, de l’association Paris en Selle. « À Paris, il y a un feu tous les 150 m, là où il y en a tous les 400 m dans les autres villes », estime-t-elle. « Quand il y a d’intersections toutes petites, ou des intersections qui sont en sens uniques, on pourrait se demander si finalement, un cédez-le-passage ne pourrait pas faire l’affaire », argumente Marion, appelant à « garder les feux uniquement là où ils sont nécessaires » et à déployer plus de M12, ces panneaux qui transforme les feux en cédez-le-passage. Au total, la capitale compte 20 000 feux rouges. Tous sont contrôlés depuis le PC Lutèce , dont les bureaux souterrains aux allures de salle d’espionnage sont enterrés sous la préfecture, sur l’île de la Cité. Chaque jour, une cinquantaine d’agents gardent un œil sur les feux tricolores à l’aide de caméras de surveillance et d’un écran géant affichant le trafic de Paris en temps réel. « Le système informatique va choisir, toutes les trois minutes, le plan de feu le plus adapté pour limiter la saturation et répondre à notre stratégie de circulation », détaille Romain Couasnon, responsable d’exploitation dans le poste de contrôle. Même principe pour les feux vélos qui sont donc réglés selon les données que le PC Lutèce récolte à partir de la circulation en temps réel… Des voitures. La salle de contrôle déploie actuellement davantage de capteurs vélos et d’écocompteurs, ce qui va leur permettre, « d’ici quelques mois », d’avoir les données de circulations spécifiques aux vélos. « On pourrait imaginer une régulation (des feux, NDLR) faite avec les données des vélos, pour les vélos », annonce Romain Couasnon. Régler les feux des vélos en fonction de la circulation des vélos, et non des voitures, pourrait donc être, à l’avenir, une solution pour rendre la signalisation davantage légitime aux yeux des cyclistes. En attendant, on vous conseille évidemment de respecter le code de la route et de faire bien attention à vos omoplates.