De la lettre des généraux au bicentenaire de la mort de Napoléon

par l'Opinion

La réponse est oui ! Il y a quelque chose de commun entre ces deux actualités. C’est une mythologie française. Il est toujours intéressant de s’intéresser à nos propres mythologies. Or, depuis la Révolution, depuis 1789, à chaque fois que le pays connaît des troubles, connaît des périodes de doute, connaît des tragédies, surgit la figure d’un général comme homme providentiel, qui pourrait être le sauveur du pays. Ça commence très tôt sous la Révolution, avec le général Lafayette, mais surtout, ça se concrétise 10 ans après la Révolution en 1799, avec la prise du pouvoir, non pas par l’armée, mais par un général, et pas n’importe lequel, le général Bonaparte qui deviendra Napoléon 1er, l’empereur des Français. D’autres généraux vont marquer l’histoire au XIXe, puis au XXe siècle. On aura, en 1848, le général Cavaignac, on aura ensuite le maréchal de Mac Mahon qui sera quand même le premier Président de la IIIe République. Puis il y aura, sous cette IIIe République, le général Georges Boulanger qui ne prendra pas le pouvoir mais qui va susciter un énorme phénomène politique dont certains historiens y ont vu une première forme d’un fascisme à la française. Et puis, évidemment, il y a Pétain en 1940, le sauveur du pays, puis, au même moment, le général de Gaulle, en 1940, en 1944-1945 et puis, évidemment, avec son retour au pouvoir en 1958. Donc il y a, dans la longue durée de l’histoire française, ce mythe qu’un général, parce que venant de l’armée et donc ne venant pas d’un corps politique mais venant de quelque chose que l’on considère comme au-dessus des enjeux politiques – il n’aurait comme souci que le bien ou la sauvegarde de la Nation –, pourrait être la figure du sauveur. C’est évidemment une pure mythologie, un pur mythe. Tous les généraux, quels qu’ils soient, ont eux aussi des idées et des projets politiques et on le voit bien dans la lettre des généraux qui véhicule des idées d’extrême droite. Aujourd’hui, ce bicentenaire de la mort de Napoléon, curieusement, d’une certaine manière, célébré par le président de la République – parce que Napoléon a quand même mis fin à la République dans notre pays, ne l’oublions pas – arrive dans ce moment de crise identitaire. Et plus récemment on a aussi vu le succès, en tout cas en librairie et parfois même dans les sondages, du général Pierre de Villiers qui aurait pu avoir des tentations politiques. Donc on voit bien que cette figure est toujours là, d’où l’écho dans l’opinion publique, dans la classe politique et dans les médias, de cet appel des généraux qui, effectivement, arrive au même moment que le bicentenaire de la mort d’un général qui, lui, avait non seulement réussi à prendre le pouvoir mais à transformer profondément la France et l’Europe.

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