Creil. Après avoir coiffé pendant 63 ans, Christian Rouzier prend sa retraite
par Oise Hebdo
Depuis 1974, la devanture du salon de coiffure n'a pas changé. Sur fond marron, en lettres anglaises argentées, on lit toujours «Christian Coiffures : Styliste». Mais, âgé de 77 ans, après 63 ans de bonnes et loyales coupes de cheveux, Christian Rouzier dépose peignes et ciseaux. La boutique du 73 rue Gambetta, à Creil, va changer d'objet social après presqu'un demi-siècle d'existence. «J'ai dû fermer mon salon précipitamment, cet été, et je n'ai pas eu le temps de dire au revoir à mes clients que je coiffais depuis des décennies», raconte-t-il, entouré de sa femme et de son fils Anthony qui travaillait avec lui et qui, maintenant, va tenter sa chance à Paris. Le jeune Christian Rouzier a commencé, à 14 ans, le 1er octobre 1959 chez «Gaby», Gabriel Wieghe, installé rue de la République. Il se souvient d'avoir coiffé Eric Woerth alors que celui-ci avait quatre ou cinq ans. Le député, ancien ministre, était alors «tout petit» et c'est sa mère qui l'emmenait. De 1959 et pendant 15 ans, il était employé. En 1974, il se met à son compte dans cette boutique qui a vu défiler presque tous les maires de Creil, Gabriel Havez, Antoine Chanut, Jean Anciant, Jean-Claude Villemain mais pas Christian Grimbert. En 1964, il gagne la coupe de l'Oise des jeunes coiffeurs et en 2009, il reçoit la médaille de l'artisanat de la chambre de métiers et la médaille des talents creillois. «Beaucoup de jeunes m'arrêtent dans la rue et me disent : Monsieur, vous avez coiffé mon père, mon grand-père et tous mes oncles.» «Avec le temps qui passe, des dizaines de clients sont décédés ou ont quitté la région, un peu partout en France, j'ai gardé beaucoup de contacts avec eux.» «J'ai fait mon temps je croyais que cela n'arriverait jamais. Tout compte fait, je ne suis pas mécontent car les temps ont tellement changé. La coiffure a été toute ma vie.» Il a gardé par devers lui des anciennes coupures de presse. En novembre 1999, dans Creil Informations, il disait : «Les coiffures actuelles n'ont rien à voir avec celles de 1960. En quarante ans, les techniques et le matériel ont évolué.» Il disait aussi : «Aujourd'hui, on n'arrive plus à fidéliser les gens, c'est plus difficile qu'il y a vingt ans en arrière», un peu comme si la grande révolution des mœurs datait des années 80. En janvier 2009, dans Creil Maintenant, le journal de la mairie, il rappelait aussi ses années passées : «C'était un vrai travail artisanal, les coupes étaient minutieuses. Ça marchait vraiment bien : parfois, 15 personnes attendaient devant le salon ! Une vraie relation de confiance et de fidélité existait. C'est ce que je regrette un peu dans la coiffure d'aujourd'hui : il faut aller vite, faire un maximum de clients. On a un peu perdu a passion du métier.» La même année, dans Oise Hebdo, sous la signature de Xavier Togni, il disait aussi : «Je me souviens d'un collègue qui avait écrit sur sa vitrine : Pour un shampoing, prévénez à l'avance, le temps de faire chauffer l'eau.» Il ne savait pas qu'avec la crise de l'énergie, ce temps risque de revenir… Dans quelques jours, quelques semaines, la devanture qui fleure bon les années 70 va disparaître pour laisser la place à une nouvelle enseigne. Le temps a passé : «Par conseil des docteurs, faut que je m'arrête un peu», conclut-il avec un maigre sourire comme s'il avait enfin touché le but.
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25 novembre 2024 - leparisien