Covid-19: les enjeux de la vaccination des enfants
par l'Opinion
« Pour ces enfants de 5 à 11 ans, la perspective de pouvoir accéder à la vaccination est maintenant proche », déclarait le Premier ministre Jean Castex lors d’une conférence de presse le 6 décembre. La vaccination sera dans un premier temps étendue ce mercredi aux 400 000 enfants les plus fragiles de 5 à 11 ans ainsi qu'à ceux qui côtoient des personnes immunodéprimées. « Nous projetons de pouvoir l’ouvrir à tous les enfants, sur la base, évidemment, du volontariat, si possible d’ici la fin de l’année », précisait Jean Castex. Le taux d’incidence s’envole chez les enfants : 1 030 cas pour 100 000 enfants de 6 à 10 ans, contre 500 pour l’ensemble de la population. « La transmission du virus, on le voit, c’est en effet fortement accélérée chez les enfants de moins de 12 ans », commentait le Premier ministre. Vacciner les enfants permettrait de limiter la transmission du virus et d'éviter les rares formes graves qu’ils peuvent développer. Mais les spécialistes ne sont pas tous d’accord. « Le plus important ce serait de vacciner tous les adultes qui ne sont pas vaccinés mais on n’y arrive pas, estime François-Marie Caron, pédiatre. Pour vacciner les enfants de 5 à 11 ans, il faut être certain que le bénéfice direct pour eux soit certifié et que les risques, surtout, soient nuls, quasiment. Et ces deux choses, pour l’instant, sont tangentes, elles ne sont pas encore précisées ». « Il y a les enfants qui sont à risque de formes graves. Ils ne sont pas très nombreux mais ils existent. Ces enfants-là doivent être protégés bien sûr, complète Jacques Battistoni, président du syndicat des médecins généralistes. Et puis il y a les enfants qui ne sont pas particulièrement malades et pour lesquels le fait de les vacciner c’est une façon de les protéger eux-mêmes, bien sûr, – de temps en temps on a une forme grave, elles sont rares – mais aussi de protéger leur entourage. Ça peut être dans leur entourage des personnes fragiles, et puis ça peut être aussi protéger l’ensemble de la population en évitant que le virus ne circule. » Et une large majorité de Français se dit opposée à la vaccination infantile : 62 % des parents d’enfants de 6-12 ans sont défavorables à leur vaccination, selon les résultats préliminaires de la deuxième enquête issue du projet Slavaco menée par Jeremy Ward, sociologue à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), entre le 22 septembre et le 1er octobre. « Ils ne sont pas certains que le bénéfice soit important puisque c’est vrai qu’il y a quand même très, très peu d’enfants qui sont hospitalisés, analyse le pédiatre François-Marie Caron. Ils aimeraient bien être certains que ce soit pour leur enfant qu’on le vaccine et pas pour protéger la population qui ne veut pas se vacciner. Je pense que le frein est là, plus les antivax. » « La première explication c’est les différents messages qui sont passés sur la vaccination depuis un an et demi, à peu près, depuis qu’on a commencé à en parler beaucoup et notamment le fait que certains vaccins ont été d’abord utilisés et ensuite retirés de la vaccination. Je pense notamment au vaccin AstraZeneca ou au vaccin Janssen », ajoute Jacques Battistoni. Cette réticence des parents n’est pas forcément légitime pour ces deux spécialistes : « Je crois qu’en fait elle est tout à fait injustifiée, estime Jacques Battistoni. A ma connaissance, il n’y a pas eu chez les enfants de réaction, d’intolérance grave. Je ne crois pas qu’il y ait eu de décès ni même de formes un peu importantes. Les effets principaux qu’on observe aujourd’hui avec les vaccins ARN qui sont actuellement les seuls utilisés en France, ce sont les myocardites chez les adolescents et jeunes adultes, plutôt les garçons d’ailleurs, et ça ne touche pas les enfants. Donc il y a un rapport bénéfice-risque de la vaccination qui reste très favorable. » « Maintenant il faut être certain que le vaccin – donc il va falloir attendre les données des Etats-Unis avec un petit peu de recul – n’entraîne pas beaucoup de myocardites puisque même si elles semblent exceptionnelles et surtout brèves et sans complications, personne ne peut certifier qu’avec de la distance, ces myocardites-là ne donneront pas des complications, nuance son confrère pédiatre. Les parents qui voient la population scientifique qui se pose des questions, c’est normal qu’ils s’en posent. » La Haute Autorité de santé a recensé trois décès directement liés à la Covid-19 chez les enfants âgés de 5 à 11 ans depuis mars 2020. Cette classe d'âge est peu touchée par les formes symptomatiques et les complications sont rares. « Des décès il y en a eu quand même chez les enfants, de façon très, très faible, mais la plupart du temps c'étaient des enfants à risque, précise François-Marie Caron. C’est pour ça que la première chose à faire, c’est de vacciner les enfants à risque. Les hospitalisations pour Covid sont quand même vraiment très rares et je vous assure que l’hôpital n’est pas surchargé par des hospitalisations Covid chez l’enfant. » Pour le président du syndicat des médecins généralistes, « c’est avant tout des réactions de type inflammatoires telles celles qu’on a pu connaître au moment de certaines grippes ou des choses comme ça avec notamment des syndromes qui donnent des formes inflammatoires notamment au niveau des mains, du type de ce qu’on appelle le syndrome de Kawasaki dans d’autres maladies. Mais bon, je crois que ça reste quand même, de façon évidente, très rare. » « On a des nouvelles données très récentes qui montrent que le fameux pseudo-Kawasaki, ce qu’on appelle le PIMS, semble un petit peu plus fréquent, rapporte le pédiatre. Donc on pourrait estimer que les enfants de 6 à 11 ans auraient un bénéfice direct plus important que ce que l’on pensait avant. » Les « syndromes inflammatoires multi-systémiques pédiatriques » (PIMS) sont peu fréquents mais graves. 781 cas de PIMS, dont un décès, ont été signalés par les pédiatres depuis le 2 mars 2020, selon la Haute Autorité de santé. « Ça peut mener à des complications et à des hospitalisations. Et comme c’est beaucoup plus nombreux que le nombre de myocardites après vaccin, vous voyez que le bénéfice-risque serait peut-être intéressant pour les enfants », conclut François-Marie Caron. « Je crois qu’il faut aller au-delà : c’est un rapport très positif, estime pour sa part Jacques Battistoni. Je suis un peu surpris de voir que les gens sont réticents à vacciner leurs enfants, ce que je peux comprendre quand même pour les raisons que j’ai indiquées, alors que ça ne pose pas de problèmes aux parents de vacciner leur enfant avec six vaccins quand ils sont nourrisons, en faisant des rappels. On vaccine les enfants contre onze maladies et là on s'étonne alors qu’on a un bénéfice évident quand même à vacciner aujourd’hui et à essayer d’obtenir une immunité collective plus large. »
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