Aviation: le mirage de la décarbonation ?
par Lopinionfr
Jeudi 6 juillet 2023, deux records du monde ont été battus. Le premier, dont on devrait sérieusement s’inquiéter, concerne la température moyenne globale, la plus chaude jamais enregistrée sur Terre depuis le début des relevés (17,08°C, Copernicus/AFP). Le second, relativement lié au premier, concerne le trafic aérien : avec 134 386 vols commerciaux au compteur, FlightRadar24 n’avait encore jamais enregistré une telle affluence dans le ciel mondial. Il serait un peu hâtif, cependant, d’établir un lien de causalité directe entre ces deux événements exceptionnels. Car le climat est un système inertiel. Son réchauffement est principalement piloté par l’augmentation fulgurante de la concentration de gaz à effets de serre dans l'atmosphère, induite par nos activités depuis deux siècles. C’est donc moins un problème de flux que de stock et d’accumulation. Finalement, cette coïncidence du 6 juillet 2023 revêt surtout une portée symbolique. Car elle est symptomatique de la crise existentielle qu’affronte l’aviation depuis plusieurs années. La contribution du secteur au changement climatique est avérée et chiffrée : 2,8 % des émissions mondiales de CO2 en 2019 ; environ le double si l’on prend en compte les effets non-CO2 sur le forçage radiatif. Conscients des enjeux, les professionnels du secteur s’inscrivent dans la trajectoire de l’accord de Paris sur le climat et promettent la neutralité carbone pour 2050. Mais, en même temps, ils ne veulent pas renoncer à la croissance du trafic et investissent massivement dans l’innovation pour rendre cette trajectoire possible. Alors, les recherches menées dans cette direction permettront-elles au secteur de l’aviation d’être à la hauteur de ses engagements climatiques et de ses projections de croissance, sans augmenter sa part dans le budget carbone mondiale ? Les deux principaux leviers technologiques sur lesquels se concentrent les ingénieurs et les scientifiques – l’efficacité énergétique des appareils et l’intensité carbone de l’énergie – seront-ils assez puissants pour compenser le maintien, voire l’augmentation du trafic aérien ? Plus simplement, une aviation durable est-elle réalisable ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons interrogé Jérôme Fontane, professeur associé à l'ISAE-SUPAERO (l’Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace) et co-auteur du référentiel Aviation et Climat.
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