Aide soignante licenciée après un témoignage.

par Kangai News

Hella Kherief a 29 ans. Elle est aide-soignante. Alors qu'elle a dénoncé, à visage découvert, le mauvais traitement des personnes âgées dans les Ehpad privés le 20 septembre dernier dans Envoyé Spécial sur France 2, la jeune mère de famille a été licenciée de l'établissement hospitalier dans lequel elle venait d'être embauchée. Personnel insuffisant et sous-pression, manque de matériels, suroccupation des établissements, rationnement de la nourriture et des produits d'hygiène, maltraitance institutionnelle... C'est ce que dénonce Hella Kherief, une aide-soignante de 29 ans. La jeune femme exerce la profession depuis huit ans. Le jeudi 20 septembre, elle témoigne, à visage découvert, dans l'émission Maisons de retraite : derrière la façade, réalisée pour le magazine Envoyé Spécial. Une enquête édifiante, réalisée en quatre mois, par la journaliste Julie Pichot. Son objectif ? Pénétrer dans les coulisses de ces Ehpad privés à but lucratif qui promettent à leurs résidents âgés, confort, soins, accompagnement et restauration de qualité, pour des tarifs qui oscillent entre 2 000 et 5 000 € par mois. Pourtant, derrière les murs, le constat est tout autre. Au lendemain de la diffusion du reportage, le 21 septembre, Hella Kherief perd son travail. « Elle a osé parler. Non pas pour dénigrer les Ehpad privés lucratifs mais pour dénoncer l'insoutenable. Elle a mis des mots sur l'indicible. Elle nous a montré en images l'indigne pour éveiller les consciences », souligne Julie Pichot. Et maintenant ? Retour sur le parcours de cette aide-soignante qui continue de se battre, coûte que coûte.« J'ai été éjectée pour avoir lancé une alerte » Au mois d'août dernier, Hella Kherief se voit proposer un CDI, dans un hôpital pour lequel elle effectue de nombreuses vacations depuis deux ans. Elle entame son contrat le 1er septembre. Elle le signe le 13. Mais voilà, au lendemain de la diffusion du reportage le 20 septembre, « je reçois un appel de mon cadre supérieur. Il me convoque et, sans explication, met fin à ma période d'essai », explique-t-elle. Rappelons que les deux maisons médicalisées, dont la jeune femme a osé parler dans les médias, n'ont aucun lien avec l'hôpital qui lui a proposé ce CDI. « J'étais abasourdie, révoltée. J'ai fondu en larmes avant d'appeler mon avocate. J'ai été éjectée pour avoir lancé une alerte », estime l'aide-soignante. Peu de temps après, la mère de famille envoie un courrier recommandé à la direction. « Je leur fais part de ma déception. Je demande qu'ils m'envoient mon planning d'octobre. Sinon, je les envoie aux Prud'hommes, s'insurge-t-elle. De quoi ont-ils peur ? ». « J'envisage de faire une grève de la faim » Mercredi 4 octobre, « je suis allé chercher mon chèque et mon solde de tout compte, raconte Hella Kherief. Certains salariés, que j'ai croisés, m'ont confirmé que j'avais été licenciée à cause de l'émission. Je veux continuer d'exercer, mais la preuve en est, je ne peux pas. Alors, je fais quoi ? Je change de vocation ? », se questionne la jeune femme. « Voilà ce qu'il se passe aujourd'hui quand on ose lancer l'alerte », commente Julie Pichot. « L'un des groupes a tenté d'interdire la diffusion du reportage par référé mais le tribunal a tranché et nous avons gagné », poursuit la journaliste. Depuis une semaine, Hella Kherief ne « mange plus, fait des insomnies » et ne veut voir personne. « Comment respecter la dignité et le respect de ces résidents dans de telles conditions de travail ? J'ai osé parler et je vais devoir payer toute ma vie », dénonce-t-elle. La « couche de trop » Deux ans auparavant, en 2016, Hella est en CDI chez Korian Les Parents, dans le 13e arrondissement de Marseille. Au mois d'avril, plusieurs salariés dénoncent déjà un « ras-le-bol général », un « turn-over de la direction » et un « manque de moyens ». L'aide-soignante poursuit : « j'avais, à ma charge, une vingtaine de résidents aux pathologies diverses type Alzheimer. Je ne m'en sortais plus. J'étais seule. Je bâclais mon travail pour pouvoir réaliser l'intégralité de mes tâches. Je n'en pouvais plus ». La jeune femme avertit sa direction, à plusieurs reprises, par courriers recommandés. Résultat, elle est convoquée. Une première fois, puis une deuxième. Elle réclame du matériel, notamment une couche supplémentaire pour l'une des résidentes. Mais, c'est la « couche de trop ». Elle est licenciée pour insubordination le 6 décembre 2016. « C'est du harcèlement, de la maltraitance institutionnelle. On veut nous faire craquer », révèle Hella Kherief. L'affaire est toujours en cours aux Prud'hommes. Malgré nos sollicitations, le groupe Korian n'a pas souhaité répondre à nos questions. La jeune mère de famille a déjà raconté son histoire sur France Culture, puis dans Pièces à conviction, sur France 3. C'est là qu'Envoyé Spécial la repère. Une « descente aux enfers » Depuis ce premier licenciement, Hella Kherief enchaîne les missions d'intérim. Elle accepte de témoigner, vidéos à l'appui. Son but ? « Montrer ce que personne ne veut voir, il faut arrêter d'avoir peur. Les preuves sont là. On n'invente rien », indique-t-elle. Une nuit, la mère de famille est missionnée pour un Ehpad privé. « Je ne connaissais pas l'établissement, c'était la première fois que j'y mettais les pieds », raconte-t-elle. « La cadre de santé m'accueille et me dit "le chariot et les changes sont là". Il est 19 h 30. Je vais me changer, je reviens, il n'y avait plus personne ». Hella Kherief se retrouve à gérer une cinquantaine de patients « seule, sans aucune aide extérieure ». Une nuit de trop, une « descente aux enfers », décrit-elle. Il y avait 94 résidents pour deux aides-soignantes. Les images diffusées dans le reportage sont accablantes. Exemple avec la résidente « prête à me payer pour boire un verre d'eau [...] Elle était déshydratée. Elle avait les lèvres totalement sèches », rapporte la soignante. « J'ai également trouvé une résidente à terre. Elle avait été remontée du repas vers 18 h 30. Il était 1 h du matin. Combien de temps est-elle restée allongée au sol ? Je découvrais les résidents, au fur et à mesure. Je courais partout. C'était la folie. »

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