Affaire Lactalis. Face à des députés incisifs, les réponses évasives d'Emmanuel Besnier.
par Ça Zap - Zapping TV
Affaire Lactalis. Face à des députés incisifs, les réponses évasives d'Emmanuel Besnier. La commission d'enquête parlementaire s'est montrée très précise ce jeudi matin, sur la crise Lactalis. Mais les réponses avancées par le PDG Emmanuel Besnier et son équipe dirigeante, restent le plus souvent bien vagues. Le n°1 mondial des produits laitiers a été entendu par une commission de l'Assemblée nationale jeudi 7 juin. Celle-ci est chargée d'enquêter sur les dysfonctionnements à cause desquels la poudre de lait pour bébé a été contaminée par de la salmonelle, dans l'usine située à Craon (en Mayenne). Premières questions, très précises, du rapporteur de la commission d'enquête, le député Grégory Besson-Moreau : « Quelles ont été les étapes des retraits-rappels ? Comment avez-vous informés l'Etat et la grande distribution ? Quand les produits incriminés ont-ils été détruits ? Quelles lacunes ou obstacles avez-vous constaté dans vos procédures ? » Il insiste : « Pourquoi a-t-il fallu attendre le décret pris par le ministre de l'Économie du 9 décembre pour que vous réagissiez ? Et, surtout, pourquoi avez-vous continuer à livrer vos produits incriminés jusqu'au 21 décembre ? » Et ajoute : dans quelle condition la reprise partielle de l'activité de la tour de Craon a-t-elle repris ? Quels contrôles ont été effectués ? Par qui ? Et quels produits sont-ils remis en vente ? « Quelle responsabilité personnelle porte le PDG ? » Grégory Besson-Moreau interpelle directement Emmanuel Besnier : « Quelle responsabilité personnelle porte le PDG d'un groupe atteint par des cas de salmonellose en 2005, puis en 2010, puis avec cette crise de 2017 ? Sans parler des ennuis judiciaires futurs , le 25 juin, avec la fromagerie qui a pollué l'Isère ? Pourquoi n'avoir pas communiqué immédiatement ? Avez-vous conscience des risques pris pour les jeunes enfants ? » A cette première salve de questions, Emmanuel Besnier répond que « toutes les analyses de notre groupe sont confiées à des laboratoires externes certifiés. Nous ne comprenons pas que sur les 15 000 analyses menées en 2017, aucune n'ait été positive. Après le début de la crise de décembre, nous avons procédé à des contre-analyses qui ont révélé, à notre grande surprise, 60 cas positifs. » Il assure par ailleurs que « cette crise n'aura aucun impact sur les producteurs de lait. » Niveaux de contrôles relevés Lactalis a, depuis, « relevé tous ses niveaux de contrôles ». Dont trois exemples pour le redémarrage de l'activité de la Tour 2 de Craon : « Refonte des procédures ; renfort des analyses ; recours à plusieurs laboratoires différents. » Après cette crise, Emmanuel avance des propositions pour l'avenir : « Travailler avec la grande distribution pour une meilleur identification des lots. Il serait souhaitable de créer une plateforme nationale, unique et officielle, pour les rappels. » De même, pour les laits 1er âge, destinés aux enfants de moins d'1 an, le seuil de déclenchement de la procédure d'alerte est de 8 malades par semaine. « Il faudrait l'abaisser dès le 1er cas », propose Emmanuel Besnier.Enfin, depuis la crise, Lactalis fait appel à « deux laboratoires différents au minimum pour les laits infantiles ». « Vous ne répondez pas ! Vous lisez vos notes... » Ces premières réponses énervent le président de la commission Christian Hutin et le rapporteur Grégory Besson-Moreau : « Ça ne va pas. Vous ne répondez pas ! vous lisez vos communiqués. Répondez-nous : vous essayez de torpiller cette commission d'enquête pas tous les moyens possibles ! » Grégory Besson-Moreau insiste : « Nous vous avons posé des questions claires et dirigées. J'ai besoin de réponses précises. Répondez avec du concret, pas en lisant vos notes. Surtout à cette question : pourquoi la GMS a-t-elle reçu après le 21 décembre des lots contaminés ? » Le député Richard Ramos complète : « C'est insupportable ! Vous parlez de votre discrétion, mais c'est de la non-transparence. Les associations de victimes vous ont écrit à de nombreuses reprises, elles n'ont reçu aucune réponse. Aujourd'hui vous présentez vos excuses !... N'importe quel chef d'entreprise digne de ce nom les aurait rencontrées... Alors comment croire à vos excuses ? » « Je n'ai à rien à dire sur l'enquête, c'est un accident... » Le député de l'Aveyron Arnaud Vialat revient sur le fond : « Avez-vous été surpris ou est-ce que cette crise était anticipable ? Après cette crise, avez-vous modifier vos procédures dans vos autres usines ? Des enquêtes sont en cours : qu'est-ce vous pouvez nous en dire aujourd'hui ? » Emmanuel Besnier leur répond : « Sur l'anticipation, non, ce n'était pas possible. La contamination n'est pas intervenue au cours du processus industriel. Mais par une recontamination de la poudre par contacts avec des pièces amovibles. Les retraits ont été très importants, mais la contamination a été très sporadique. Oui, nous avons revu tous les processus dans toutes nos usines. Enfin sur l'enquête : je n'ai rien à dire, c'est un accident... » Le président Christian Hutin insiste: « Mais qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? » Emmanuel Besnier : « Des travaux ont été entrepris au premier trimestre 2017 au pied de la tour numéro 1, où nous avons détruit les carrelages. Ces travaux ont libéré des salmonelles qui sont à l'origine de la contamination. Nous l'avons découvert au 1er trimestre 2018. » Le rapporteur Grégory Besson-Moreau réplique : « Mais des milliers d'industriels de l'agroalimentaire font des travaux dans leurs usines ! Pourquoi ça n'a pas été vu tout de suite ? Et si cela n'a pas été repéré tout de suite la faute à qui : aux laboratoires ? Oui ou non ? » Emmanuel Besnier lui répond : « Nous ne cherchons pas à nous défausser sur les laboratoires. Nous n'avons reçu aucune alerte, aucun cas positif. Alors qu'en refaisant les analyses, nous avons trouvé quelques cas positifs. On se pose des questions. Mais l'enquête est en cours. » "Allez voir les victimes" Le président Hutin conclut cette longue matinée d'audition. "Cette affaire ne doit plus se renouveler." Il synthétise les questions de la commission. "Tout provient des autocontrôles. L'entreprise est toujours partie prenante d'un côté ou d'un autre." Deuxième question cruciale sur la procédure de retrait-rappel des produits : "Il est inadmissible qu'on retrouve à nouveau des produits contaminés dans la grande distribution." Enfin, la communication avec les services de l'État est-elle "cohérente et suffisante?" C'est sur ces trois questions principales que va maintenant se pencher la commission parlementaire. Le président Christian Hutin interpelle alors personnellement Emmanuel Besnier. "Écrivez à vos avocats, demandez-leur d'arrêter d'essayer de saborder notre commission..." Très flegmatique, le PDG de Lactalis, qui se refuse à toute communication, reste même inconnu pour la plupart de ses salariés, est resté calme et maître de lui, tout au long de l'audition. Malgré les questions parfois très agressives des députés. Pour conclure, Christian Hutin adresse alors un conseil beaucoup plus personnel au PDG de Lactalis : "Monsieur le président, vous êtes plutôt secret. Mais, croyez-moi, de temps en temps il faut savoir forcer sa nature et communiquer. Surtout, allez voir les familles des victimes..."
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